Argentine - France (2e épisode)
Après cette entrée en matière en forme "d'exploit" pour l'équipe de France, sa première victoire en phase finale de coupe du monde depuis 1958 (obtenue en Suède face à l'Allemagne de l'Ouest, 6-3 pour la médaille de bronze) tout l'effectif sut garder la tête froide, sans tomber exagérément dans l'euphorie, ni fêter outre mesure ce succès (mis à part, bien évidemment, les "bringueurs" attitrés de la troupe, Henri Michel, Six et Onnis que l'on surprit écumant moults bodegas jusque tard dans la nuit de Buenos Aires).
Hidalgo veut garder la tête froide
Dès le lendemain, Hidalgo, en conférence de presse, précisa que l'objectif était toujours de se qualifier pour le second tour, qu'il avait fallu cravacher dur pour battre les italiens et aux journalistes présents de rappeler que rien n'était acquis et qu'après avoir été défaitistes, il ne fallait pas tomber dans l'excès inverse de suffisance/confiance, d'autant plus que dans l'autre confrontation du groupe, l'Argentine s'était imposée difficilement, par la plus petite des marges, face à la Hongrie, prouvant par là même - si besoin était - que le résultat final de ce premier tour serait indécis.
Aux questions individuelles sur les performances de chacun, concernant notamment Platini, Guillou ou Lacombe, le sélectionneur botta en touche, se refusa à tout commentaire précisant simplement : "Le football est un sport collectif, je compte sur tout mon effectif et, d'ailleurs, il y aura plusieurs changements pour affronter l'Argentine, non pour cause de rendement insuffisant mais simplement car la lutte face aux transalpins a laissé des traces et que la gestion d'un groupe sur une longue compétition comme la Coupe du Monde est primordiale pour concerner/mobiliser tout le monde".
Hidalgo effectue des changements
Effectivement, le sélectionneur remania son équipe et effectua quelques changements. En défense, Janvion repassait stoppeur, Bossis latéral gauche, Bathenay entrait dans le onze de départ au poste de milieu défensif (Sahnoun étant un peu à court de compétition et Guillou ayant reçu une béquille le rendant indisponible) puis en attaque, Onnis devenait titulaire en compagnie de Six et de Rocheteau, à droite.
Un arbitrage discutable... comme prévu
C'est donc le 6 juin 1978 au Stade Monumental de Buenos Aires sous les encouragements de 78000 spectateurs gonflés à bloc (et 86 téléspectateurs hexagonaux insomniaques) que la deuxième rencontre de l'équipe de France débuta.
D'emblée les deux formations décidèrent de pratiquer un football offensif. Aux actions collectives emmenées par Platini, Bathenay, Rocheteau répondaient celles d'Ardiles, Luque, Kempès et les débats furent équilibrés durant toute la première période jusqu'au moment où l'arbitre suisse décida de faire pencher la balance en accordant un pénalty plus que généreux aux Argentins sur une faute de main soi-disant volontaire de Trésor.
Passarella, l'expérimenté capitaine, ne laissa pas passer l'occasion pour son équipe de prendre l'avantage et c'est donc sur le score de 1-0 pour le pays hôte (avec carton jaune à la clé, pour Platini, pour contestation) que se siffla la mi-temps.
Les Bleus continuent à y croire
Au retour des vestiaires, les Bleus prirent le jeu à leur compte, habités par un sentiment d'injustice et décidés à combler leur retard, ce qu'ils firent d'ailleurs dès la 60 ème minute grâce à une frappe millimétrée de Platini aux 20 mètres sur une remise parfaite d'Onnis particulièrement inspiré et déchainé face à ses compatriotes et néanmoins adversaires du jour.
Les débuts d'El Pibe de Oro, Diego Armando Maradona
Dès son premier ballon touché, ou plutôt caressé/cajolé, l'Estadio Monumental rugit de plaisir, on comprit d'emblée que Diego Armando Maradona, puisque c'est de lui qu'il s'agissait allait illuminer la soirée.
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Sur sa première accélération sur le côté gauche, il déposa littéralement Battiston, évita le tacle de Trésor, en dernier cerbère des bleus et adressa un centre au cordeau millimétré pour Kempes qui d'un coup de tête rageur ne laissa pas passer l'occasion pour l'Albiceleste de prendre les devants.
Douze minutes plus tard, c'est encore lui qui décala un ballon pour Luque qui, d'une frappe de 25 mètres crucifia Baratelli...3-1 pour l'Argentine.
Mais on n'avait encore rien vu, Il restait seulement 8 mn à jouer, la France prenait l'eau de toutes parts; aussi Hidalgo tenta un coup de poker en faisant entrer Olivier Rouyer à la place de Six et replaçant Platini aux avants postes, espérant apporter l'efficacité offensive du Lorrain.
Le but magique (du siècle? du gamin surdoué
Mal lui en prit car en dégarnissant ainsi son milieu de terrain, le technicien français offrit un boulevard, une véritable "Avenida" à Maradona. Celui que l'on surnomme ici, "El Pibe de Oro" (le gamin en or) ne se fie pas prier (Santa Maradona !) pour nous gratifier alors de ce que l'on pourra peut-être un jour, avec le recul, qualifier de "but du siècle !" tant par la technique, dextérité et vélocité.
Soixante mètres, 12 secondes, 10 touches de balle et une vitesse maximum atteinte de 32 km/h, voilà pour les données "brutes" purement statistiques de l'exploit mais l'essentiel, finalement était ailleurs, car c'est un pur moment d'éternité, de poésie auquel nous avons assisté et que seul un surdoué/prodige peut nous offrir.
En sport, il y a eu Owens en 36, Beamon en 68, Ali "tout le temps" et Pelé en 1958/70 !
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Le stade sembla s'arrêter de respirer, tous les spectateurs retinrent leur souffle, ressentant, pressentant tout un chacun qu'ils vivaient là un instant historique. Même les nuages semblèrent stopper net leur course vers l'océan pour assister à l'évènement. Personne n'oubliera ce moment de grâce où l'attaquant Argentin partant de son propre camp, dribbla cinq joueurs français (Michel, Bathenay, Battiston, Janvion puis Trésor), évita le gardien Baratelli sorti à sa rencontre avant de pousser le ballon dans le but vide de son pied gauche comme un ultime pied de nez.
Si "lorsque l'on écoute du Mozart, le silence qui lui succède est encore de lui", on pourra désormais affirmer que le vacarme, le tumulte, la fureur qui suit un but de Diego, c'est du Diego. Car c'est toute une nation qui d'une même voix le fêta, le célébra. La clameur qui s'ensuivit sembla provenir de tout un pays, de tout un peuple, de tout les "sans grades" et les opprimés surtout. Après avoir failli passer sous les "fourches caudines" d'une non sélection pour "sa" coupe du monde chez lui, "Pelusa" (la peluche) revenait par la grande porte, l'entrée des artistes, l'Arc de Triomphe !
Après la lourde défaite 4-1, Michel Hidalgo eut ces mots magnifiques : "En tant que sélectionneur, je suis bien évidemment triste, déçu surtout pour mes joueurs mais en tant qu'amoureux du sport et du football en particulier, je ne peux qu'être transporté par le spectacle proposé par Maradona. Je pourrai dire, j'y étais, et aux premières loges, qui plus est !"puis d'ajouter : "Rien n'est perdu, l'Argentine a 4 points, avec l'Italie nous en avons 2, le troisième match sera décisif pour la qualification, remobilisons-nous, notre jeu offensif est fait de prises de risque mais nous n'en changeront pas car c'est le football que nous aimons pratiquer et que les français apprécient, nous joueront crânement notre chance face aux Hongrois, sans calculer, car comme dit Oscar Wilde: "Mieux vaut des remords que des regrets" "...
Score Final : Argentine 4 - France 1
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