France-Portugal 1984. Rien que la mention de ce match mythique replonge tous les amoureux de football dans de merveilleux souvenirs. Véritable chef-d’œuvre émotionnel, cette demi-finale de l’Euro 1984 est entrée dans l’histoire du sport tricolore. Grâce au Podcast des Légendes, d’anciens joueurs de cette magnifique rencontre se rappellent, confiant des anecdotes surprenantes. Maxime Bossis, Joël Bats, Alain Giresse, Bruno Bellone… Revivez l’extraordinaire scénario de ce sommet du ballon rond qui propulsa Michel Platini et les siens vers la première finale internationale du foot français.
Les Bleus en demi-finale de leur Euro 1984 : une performance logique pour le favori de la compétition
23 juin 1984, Marseille. L’équipe de France de Michel Platini pénètre dans un Stade Vélodrome en fusion pour disputer la demi-finale de « son » Championnat d’Europe des Nations. Pour les joueurs de Michel Hidalgo, ce n’est toutefois pas un aboutissement, mais une simple étape vers un avenir glorieux. Ce France-Portugal de l’Euro 1984 marque effectivement la récompense d’années de travail qui doit enfin faire basculer les Bleus dans la cour des finalistes. Dans celle des vainqueurs. Dans celle des Grands.
Un premier tour de l’Euro 1984 maîtrisé et enthousiasmant
Passée l’inoubliable demi-finale de Séville de 1982, Michel Hidalgo et ses joueurs n’ont pas tardé pour se remettre au travail. Vers le sacre de l’Euro, la période 1982-1984 de l’équipe de France a vu le groupe se reconstruire, gagner en qualité et en solidité.
Lorsque débute, le 12 juin 1984, cet euro à domicile contre le Danemark, les Bleus ont de nombreuses certitudes. Au milieu, le carré magique Platini-Giresse-Tigana-Fernandez laissera une trace éternelle dans l’histoire du jeu. Dans les cages, Joël Bats s’est affirmé comme le portier qui manquait à l’équipe. Dans l’axe de la défense, Maxime Bossis a pris la place de Marius Trésor, qui a dû renoncer du fait de blessures au dos. Aux côtés de Patrick Battiston, il forme une paire redoutable.
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Pourtant, entrer dans une grande compétition n’est jamais chose aisée, surtout à la maison, avec la pression du public. Voilà pourquoi la France ne l’emporte que par la plus petite des marges face aux Danois (1-0), sur un but libérateur de Platini. Ce n’est là que la première prouesse du maître à jouer des tricolores et de la Juventus.
Car pour la suite, ce premier tour (de chauffe) des Bleus dans cet Euro 1984 s’apparente à une impressionnante montée en puissance. Pour leur deuxième rencontre, ils atomisent la Belgique sous le soleil nantais (5-0), avec un triplé de leur capitaine. Puis, lors du dernier match, « Platoche » ajoute un nouveau hat-trick devant son ancien public stéphanois pour une victoire 3-2 contre la Yougoslavie. Le travail est fait, bien fait. Max Bossis souligne d’ailleurs que « sur le terrain, on a pris beaucoup de plaisir ». La France est en demie.
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Et si les Bleus n’étaient jamais arrivés jusqu’au Vélodrome pour y disputer la demi-finale de l’Euro 1984 ?
Une fois à Marseille, l’équipe française quitte son hôtel et prend place dans son bus, direction le Stade Vélodrome. Survient alors cette étonnante anecdote qui aurait pu changer bien des destins.
Bruno Bellone l’affirme d’ailleurs sans détour : « On a failli ne pas jouer ce match » France-Portugal 1984. La raison : un accident de la route qui aurait pu avoir des conséquences dramatiques. L’attaquant raconte que le car « passe par une nationale ». À un moment, « il y a un autre bus qui nous croise et il nous frappe le rétroviseur ». Résultat, sous le choc, ce dernier « tape dans la vitre du chauffeur. Et moi je suis derrière le chauffeur, avec Jean Tigana. La vitre explose, le chauffeur, il n’a pas bougé. S'il met un coup de volant, on tombe dans le ravin qu’il y avait à droite ».
« Il était blanc… Jeannot, pourtant, il n'est pas blanc ! » Bruno Bellone en parlant de Jean Tigana lors de l’accident de la route des Français vers le Stade Vélodrome.
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La version est la même pour Joël Bats. « On frôle en sens inverse un camion qui touche le grand rétroviseur, il a tapé l’intérieur de la vitre ». Le portier se souvient d’un bruit « impressionnant », en soulignant que « ceux qui étaient sur le truc, ils ont frôlé la correctionnelle ». Bellone témoigne que « le chauffeur [était] en sang, ouvert au niveau du front. Putain, le mec, on lui a dit merci. Il n’a pas bougé, il en a pris plein la gueule ».
Et si c’était le destin qui avait sauvegardé l’équipe française d’un terrible accident les privant de la gloire annoncée ? Les footballeurs peuvent parfois être très superstitieux et voir des signes partout. Un dernier détail revient justement en mémoire de l’avant-centre français : « Là, Jeannot, il me regarde et dit “On ne perd plus, on va la gagner” ». Le Vélodrome attend les Bleus.
France-Portugal 1984, dernière étape vers la finale de l’Euro
L’histoire de cette demi-finale France-Portugal de 1984, c’est le récit d’une rencontre indécise au cœur d’une ambiance à nulle autre pareille.
L’équipe de France plongée dans la ferveur marseillaise
C’est une vérité pour chacun des acteurs de cette rencontre mythique. Ce France-Portugal de 1984 fait partie des musts de leur Championnat d’Europe. De toute leur carrière même. Avec cette image qui revient immédiatement en tête de Bruno Bellone lorsqu’il songe à cette compétition : « Marseille. Impressionnant ! ».
Dans tous les stades où ils ont évolué depuis le début de l’épreuve, à chaque déplacement, la ferveur populaire saute aux yeux des Français. Pour Joël Bats, « c’était extraordinaire parce qu’on était porté, toute la France était derrière nous, on la sentait partout ». À Marseille, devant 55 000 spectateurs, l’intensité de ce soutien bouillonnant est décuplée. De quoi se sentir « terriblement fort de voir cette France qui était derrière nous, c’était incroyable », se souvient l’ancien portier.
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Autre élément resté en mémoire de ce dernier : « Il faisait très chaud à ce match-là, c’était incroyable. Toute cette lumière et tout là, c’était étouffant, ce stade… » De quoi apporter les ingrédients parfaits pour « un match incroyable dans une ambiance incroyable ». « Moi, j’ai eu de grosses sensations », conclut Joël Bats. Et des millions de Français avec lui.
Une rencontre magnifique et serrée malgré la domination tricolore
Ce match clé, les Français le débutent de la meilleure des manières. 24e minute, les coéquipiers de Platini obtiennent un coup franc idéalement placé, juste devant la surface portugaise, dans l’axe. Tout le monde s’attend justement à voir le capitaine bleu, spécialiste en la matière, s’élancer. Mais c’est finalement Jean-François Domergue, remplaçant de Manuel Amoros après son expulsion lors de la première rencontre, qui décoche un surprenant boulet de canon du gauche ! Bento, le portier lusitanien, reste scotché et regarde la balle filer dans sa lucarne. Le Vélodrome éclate de joie : 1-0 pour la France !
Prenant totalement par surprise le gardien portugais, Jean-François Domergue ouvre le score sur un sublime coup franc, le jour de son anniversaire ! Photo tirée du site de L'Équipe (Crédits : L'Équipe).
Moment extraordinaire d’émotion pour ce latéral gauche, pas titulaire au début du tournoi, et qui fête ce jour-là ses 27 ans ! La France a pris le jeu à son compte et ne souhaite pas relâcher son étreinte. Quelques minutes plus tard, sur un joli double une-deux dans l’axe avec Alain Giresse, Luis Fernandez ajuste le gardien et marque le 2-0… finalement refusé pour hors-jeu.
Qu’importe, ce n’est que partie remise. En deuxième mi-temps, les hommes d’Hidalgo accélèrent le rythme face à des Portugais totalement dominés. Servi par Platini en profondeur, Fernandez voit sa frappe contrée par Bento lui revenir dans les pieds… avant de tirer à côté. Le gardien portugais est encore décisif quelques minutes plus tard sur un missile de Giresse détourné en corner.
Le meneur de jeu de Bordeaux obtient ensuite deux autres énormes occasions. D’abord, sur une contre-attaque express mêlant Didier Six et Platini, qui parvient à le servir aux six mètres. Bento s’érige alors encore en sauveur des siens. Puis sur une nouvelle action collective, initiée par Jean Tigana et relayée par Bernard Lacombe, qui écarte sur Six. Le centre sans contrôle de celui-ci trouve Giresse, auteur d’une reprise de volée croisée et pure qui échappe de peu au cadre.
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Puis, c’est au tour du « roi Michel » de tenter sa chance du gauche, d’un magnifique tir qui force encore Bento à la parade… Et ce qui devait arriver arriva. D’abord, Fernandez et Bats sauvent les leurs sur une reprise à bout portant de Gomez, faisant suite à un corner portugais. Puis, à la 74e minute, Chalana adresse un très bon centre dans la surface. Pile où se tient, esseulé, le géant Jordao. D’une tête lobée imparable, ce dernier trouve la lucarne bleue et égalise !
Alors, prolongation ? Les Français n’en veulent pas et poussent. Lancé en profondeur, Platini s’emmène la balle mais bute sur Bento. Le ballon revient dans les pieds de Six, qui voit sa frappe, contrée, rebondir sur la barre transversale avant de sortir en corner. Le public marseillais retient son souffle. Prolongations !
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Une prolongation de folie qui fait basculer ce France-Portugal 1984 dans la légende
En 1982 aussi, contre l’Allemagne, les Français avaient tiré sur la barre à la dernière seconde. Vont-ils, là aussi, laisser échapper leur qualification pour la finale de l’Euro 1984 ?
Les Portugais passent devant
Les Portugais ont le sentiment d’être revenus de nulle part et ils ne veulent pas s’arrêter en si bon chemin. Bats doit d’abord s’employer pour sauver son camp sur une remarquable tête lusitanienne qui ne demandait qu’à rentrer. Mais quelques minutes plus tard, il se retrouve plongé dans la peau d’un simple spectateur devant une nouvelle offensive adverse.
« Ce jour-là, il y avait le mistral », se rappelle-t-il. La conséquence de ce vent puissant ? À la 108e, il est « lobé sur une frappe qui tape le sol, qui monte, […] prend de la vitesse et qui va finir au deuxième poteau ». Le tout grâce à une reprise de volée topée pleine de réussite de Jordao. Encore. Sur un numéro spécial et nouveau centre de Chalana. Encore.
Lors de cette demi-finale France-Portugal de 1984, le Portugais Fernando Chalana réalise une prestation de haute facture. Photo tirée du site malaymail.com (Crédits : Réseaux sociaux).
Les Français font grise mine. La victoire leur tendait les bras, ils sont désormais menés 2-1 à domicile. Les fantômes de Séville et de la défaite si cruelle et injuste face aux Allemands en 1982 ressurgissent.
Michel Hidalgo décide de faire rentrer du sang neuf pour dynamiser ses troupes, en lançant Bruno Bellone à la place de Six. L’attaquant se souvient très bien de son état d'esprit au moment de pénétrer sur la pelouse, révélant les doutes assaillant soudain son équipe. « Là je me dis “Putain, ce n’est pas un cadeau !” ».
France-Portugal 1984 : un final renversant et grandiose
Les Lusitaniens sentent bien que leurs hôtes sont sur le point de craquer et ils insistent là où ça fait mal. Fernando Chalana, qui signera dans la foulée aux Girondins de Bordeaux, est intenable. Il s’échappe sur la droite, aperçoit son coéquipier Nene qui file seul au but. Au bout d’une passe millimétrée, ce dernier a le ballon du 3-1. Le ballon de la finale.
Mais en face de lui se dresse Bats, qui a conscience qu’il s’agit là d’« une balle capitale ». C’est pourquoi, aussitôt, il « décide d’aller au duel, de sortir » et réalise l’arrêt déterminant qu’on attendait de lui. Il raconte : « Dans mon petit coin de tête, je me suis dit : “Là, si on se qualifie, ben mon gars, tu as participé” ».
Est-ce ce fait de jeu qui fait totalement basculer les dieux du foot en faveur des Français ? Lors de la seconde période de la prolongation, ces derniers, forts de 55 011 âmes sur et en dehors du terrain, poussent comme jamais. L’ambiance dans les gradins est folle. Indescriptible. Encore plus lorsque, à 5 minutes du terme et au bout d’un cafouillage dans la surface, Domergue, encore lui, égalise ! Le Vélodrome est en fusion. Les Bleus reviennent de l’enfer.
119e minute. Il ne reste alors plus rien à jouer et la séance de tirs au but est là. En 1982, les tricolores ont perdu aux tirs au but. Des penaltys, personne n’en veut. Jean Tigana encore moins.
« Jeannot, il fait son accélération sur le côté. On était mort de rire parce qu'on en parlait à la fin du match quand on était à l'hôtel. Et je disais, “Putain, mais jamais il s'arrête, il va prendre l'autoroute, le péage et tout !” On ne l’arrêtait plus le mec. Impressionnant, franchement, c'était phénoménal. » Bruno Bellone
Phénoménal Jean Tigana, pour un « dénouement incroyable », dixit Bats. Héritant d’une balle de Fernandez, ce dernier accélère dans l’axe. Lance Platini derrière la défense. Parvient à récupérer le ballon contré par un Portuguais, contourne et prend encore de vitesse un autre adversaire en pleine surface, au bout d'un ultime effort monstrueux.
Pour Bellone, « Jeannot, il a pris la mobylette […] Il arrive au point des dix-huit mètres. Il lève la tête, il voit Platini, il centre, but ». Comme le rappelle Joël Bats qui tombe alors à genoux, « on était au bout du bout des prolongations ». Et pourtant, Tigana a encore la lucidité de mettre une passe en retrait parfaite à son capitaine. Qui, après un rapide contrôle, déclenche une furia marseillaise innommable en catapultant le ballon au fond des filets. 3-2. Les Bleus sont en finale !
Le résumé de la rencontre ici : https://www.youtube.com/watch?v=hfcl3UGIr78
C’est exactement ce que se dit Bellone en cette seconde de pure allégresse. « Dans la tête, j'ai dit “Ça y est, je joue la finale !” ». Dans les cages bleues, c’est une délivrance identique « parce que je savais que le match, il était fini », confie Bats. Alors même que ce dernier était « en train d’imaginer la séance des tirs au but. Moi, j’étais presque dans ma séance de tirs au but ».
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Grâce à une ultime accélération titanesque au bout de l'effort et des prolongations, le géant Jean Tigana offre la qualification pour la finale de l'Euro 1984 à Michel Platini. Photo tirée du site de Le Corner (Crédits : Icon Sport).
Pour le gardien tricolore comme toute l’équipe de Michel Platini sans doute, cette demi-finale de l’Euro forme un pic émotionnel extraordinaire. De quoi lui faire dire que « le point d’orgue, ce n’est pas la finale », mais ce France-Portugal 1984 d’anthologie. Des joueurs magiques, une atmosphère de folie, un match au scénario renversant, c’est ça le football ! Il reste pourtant aux Français à remporter l’ultime manche pour soulever ce trophée tant espéré. Un dernier épisode historique à découvrir bientôt dans Le Podcast des Légendes.