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Sept. 1, 2024

Euro 1984 - Épisode 3/3 : France-Espagne, une finale en forme d'apothéose

Euro 1984 - Épisode 3/3 : France-Espagne, une finale en forme d'apothéose

La finale de l’Euro 1984 France-Espagne constitue le sommet d’une génération d’exception. L’apogée du fantastique parcours des Bleus de Michel Hidalgo et Michel Platini durant ce Championnat d’Europe des Nations à domicile victorieux. Pour autant, il n’est jamais aussi difficile de gagner que lorsqu’il s’agit de conclure. Grâce aux souvenirs de Maxime Bossis, Alain Giresse, Joël Bats, Bruno Bellone et d’autres anciens, Le Podcast des Légendes vous replonge dans ce match mythique. Vous fait revivre cette ultime rencontre tendue et historique ayant permis à l’équipe de France de remporter, enfin, une grande compétition internationale. France-Espagne 1984, à jamais les premiers !

France-Espagne 1984 : les Bleus enfin au rendez-vous d’une grande finale internationale

Ce France-Espagne de l’Euro 1984 est historique à plus d’un titre. Ayant trop souvent l’étiquette de « perdante magnifique » lui collant à la peau, l’équipe de France joue là la première finale internationale de son histoire. Pour basculer enfin dans la catégorie des gagnants ?

Un parcours sans embûches… ou presque

Programmés pour gagner. En 1984, l’équipe de France dispute le Championnat d’Europe des Nations à domicile après une Coupe du Monde 1982 réussie, ponctuée par une demi-finale légendaire face à la RFA. Portés par le génie de leur star, Michel Platini, et un collectif offensif et talentueux, les Bleus, dans cette période 1982-1984, ont clairement changé de statut.

Évolution que confirme l’ancien défenseur central Maxime Bossis : « C'est la première fois aussi qu'on a abordé une compétition en étant favori, et ça se jouait chez nous, on n'avait pas le droit à l'erreur. Donc, il y avait une grosse pression du premier au dernier match ».

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Après un difficile succès inaugural face au Danemark (1-0), la suite du premier tour de l’équipe de France dans cet Euro 1984 est parfaite. Deux victoires convaincantes contre la Belgique (5-0) puis la Yougoslavie (3-2), deux récitals de Platini avec deux triplés, et les demi-finales sont là.

Celle-ci, dans le bouillant Vélodrome de Marseille, est monumentale. Ce France-Portugal 1984 est l’un des plus fantastiques matchs disputés dans l’histoire de la sélection. Du suspense, des retournements de situations, un dénouement grandiose débordant d’émotions… La France l’emporte 3-2 et se qualifie enfin pour la dernière rencontre d’une grande compétition internationale. Jamais aucune autre équipe tricolore n’y était parvenue avant.

Une préparation entre travail et détente

La portée de cette qualification historique, la formation tricolore en est bien consciente. Comme le souligne l’avant-centre Bruno Bellone, c’est alors « la chance ou jamais d'être la première équipe collective à gagner un titre ». En effet, que ce soit en football ou dans un autre sport, les Bleus ne font clairement pas partie du clan des vainqueurs en 1984.

Voilà pourquoi la préparation pour cette finale France-Espagne se déroule dans le plus grand des sérieux. Vivre le chef-d’œuvre émotionnel qu’a été France-Portugal, c’est bien. Mais les efforts consentis pour se qualifier n’auront servi à rien si les hommes de Michel Hidalgo butent sur la dernière marche de l’épreuve. Alors, dans les jours qui précèdent cette ultime rencontre au Parc des Princes, les entraînements et les séances tactiques sont intenses. Comme Didier Six aime à le dire, « il y a trois mots dans la vie qui sont importants, c'est "travail, travail, travail" ».

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Toutefois, disputer le match dans sa tête avant qu’il ait lieu n’est pas non plus une bonne idée. Voilà pourquoi les joueurs essayent également de s’oxygéner. Depuis le domaine de Jouy-en-Josas, dans les Yvelines, où les Français s’entraînent à l’époque, Joël Bats se souvient même être allé pêcher avec quelques coéquipiers.

« Avec Bruno Bellone et Philippe Bergerôo [gardien remplaçant de l’époque], on s’était fabriqué des cannes à pêche. On se les fabriquait nous-mêmes avec un bout de bois, on avait trouvé un fil. Je sais plus comment on avait eu des hameçons. Je ne sais pas si on les avait fait acheter ou si on avait trafiqué un truc. Et je me rappelle, on avait attrapé une carpe », Joël Bats.

Quoi de mieux qu’une simple petite partie de pêche pour évacuer la pression d’une première finale internationale ? Entre attente, travail et détente, le mercredi 27 juin 1984 arrive enfin. Les Bleus sont prêts.

La dernière marche avant la gloire ?

L’ensemble des acteurs de l’époque s’en rappellent : cet Euro à domicile s’est déroulé au milieu d’une véritable ferveur populaire. Ce France-Espagne 1984 permettra-t-il enfin aux Bleus de remporter un titre ?

L’équipe de France poussée par tout un peuple

« Je me souviens à l’époque, on était à Jouy-en-Josas, quand on est parti pour aller jouer la finale au Parc des Princes, Jouy-en-Josas, ça fait quand même vingt-cinq, trente kilomètres, je pense. Le long des routes, ils attendaient de partout. C’était fou. »

Voilà la manière dont Joël Bats se souvient du départ des Français pour disputer la grande finale de l’Euro 1984. Des images de regroupements de supporters rappelant davantage la ferveur de 1998, mais qui existait donc bien aussi pour la génération Platini. D’ailleurs, pour le portier, « le match, il a démarré dans le bus qui nous a amenés au Parc des Princes. Le match, il a démarré quand les gens étaient sur le bord de la route. J’ai senti des frissons. J’ai senti que ça montait, mais trop vite ». Percevant la pression le submerger, il demande alors à son voisin, Philippe Bergerôo, de lui raconter « une connerie » pour le faire rire. « Donc on a commencé à délirer un petit peu dans le bus et ça m’a fait du bien ».

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Finalement, ce soutien populaire exceptionnel portant les Bleus vers la finale, comme depuis le début de l’épreuve, Bats n’en garde que le positif. Pour lui, « ça a été quelque chose de fabuleux à vivre de l’intérieur […] C’était incroyable. »

La causerie pleine de symboles de Michel Hidalgo

Michel Hidalgo, sélectionneur des Bleus de 1984

Michel Hidalgo, sélectionneur mythique de l'équipe de France des années 1980, avec Patrick Battiston à droite. Photo tirée du site de l'Équipe (Crédit photo : L'Équipe).

Arrivé dans les vestiaires du Parc des Princes, une désagréable sensation s’empare du gardien bleu. « J’ai l’impression que c’est un petit vestiaire, on est presque les uns sur les autres. J’étouffe, j’ai très chaud ». Les Français vont-ils se laisser submerger par l’enjeu ?

Les souvenirs des uns et des autres dépeignent surtout une causerie originale et symbolique de Michel Hidalgo. D’ailleurs, ce n’était pas vraiment un discours mais plutôt un dessin que le sélectionneur des Bleus réalise devant ses joueurs attentifs. « C'était très beau », se remémore Bruno Bellone, tandis que Bats donne plus de détails. « Il avait fait une montagne, et il avait fait un drapeau. Et il avait fait des marches. Il avait montré que si on voulait aller planter un drapeau, il restait encore une marche. Il restait cette dernière marche […] pour aller planter le drapeau en haut de la montagne ».

L’ancien portier du PSG juge que c’était une manière de rappeler « tout ce qu’on avait fait pour arriver là. Mais que le plus dur […] et que le plus beau restait à faire, c’était de planter le drapeau. » Bellone y voit une métaphore montrant aux joueurs « qu’on aurait été les premiers à planter le drapeau d'une équipe collective en France ».

Une finale, ça se gagne : les Bleus remportent l’Euro 1984 contre l’Espagne

Au bout d’une rencontre tendue, loin des sommets émotionnels de Marseille, Platini et les siens sortent finalement vainqueurs de ce France-Espagne 1984.

Une finale de l’Euro 1984 serrée et crispante

Comme le rappelle Joël Bats, « la finale, tu es obligé de la gagner, tu es chez toi ». C’est la même forme de tension que lors du premier match contre le Danemark qui pèse alors sur le dos des Français.

En face, l’Espagne est bien armée, de son capitaine et gardien Luis Arconada à l’attaquant du Real Madrid Carlos Santillana. Les Ibères gênent considérablement les Bleus, qui peinent à développer leur jeu et à trouver des espaces. De l’aveu de Bats, « C’est un match plutôt fermé » et les occasions sont rares. La meilleure de la première période est même espagnole avec, sur corner, une tête de Santillana qui prend totalement à revers le portier français. Heureusement, ce dernier raconte que, sur ce coup-là, « il y a Batiste [Patrick Battiston] qui me sort [le] ballon de la tête » sur la ligne. C’est passé près pour les Bleus. 0-0 à la mi-temps.

Joël Bats pendant France-Espagne 1984

Joël Bats doit s'employer au cours de la première période de la finale France-Espagne 1984. Photo tirée du site de francebleu.fr (Crédit photo : AFP-STAFF / AFP).

Un nouveau but iconique de Platini libère la France… grâce à Arconada

Tous les sportifs le savent : une finale bascule souvent sur de petits détails. Joël Bats est bien d’accord puisque lui-même reconnaît que cette rencontre France-Espagne 1984 « se gagne sur une petite erreur qui nous aide à être devant ».

Une petite erreur ayant une énorme conséquence et entrée à jamais dans l’histoire du football. 57e minute. Les Français obtiennent un coup franc idéalement placé pour Platini, légèrement sur la gauche de la surface. Le maître artificier de la Juve se prépare, puis enroule du droit. Le ballon contourne le mur espagnol, retombe vers le sol juste devant la ligne de but… pile dans les bras d’Arconada qui a bien anticipé.

Les Bleus sont prêts à se replacer quand soudain, contre toute attente, le gardien espagnol laisse échapper la balle dans ses bras. Tout doucement, comme poussée par les dieux du foot qui ont choisi leur camp, celle-ci continue de rouler et passe la ligne. Arconada est en enfer. Les Français au paradis. But !

Platini marque un coup franc lors de la finale France-Espagne de l'Euro 1984

Comme souvent, c'est Michel Platini, le roi des coups francs, qui libère les Bleus, pour l'un des buts les plus célèbres de sa carrière. Photo tirée du site de la FFF (Crédit photo : FFF).

Ce coup du sort libérateur place l’équipe tricolore en position plus que favorable pour remporter la victoire. Alain Giresse raconte ainsi que « en finale de l'Euro 1984, quand on a marqué, là on a géré la situation ». Grande différence avec la demi-finale de Séville de 1982 où, menant 3-1 contre la RFA, les Français avaient continué à attaquer… pour finalement perdre.

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Il reste une demi-heure à tenir. Les Espagnols poussent. Une nouvelle tête de Carlos Santillana passe de peu au-dessus de la barre. Bats ajoute aussi qu’« après, il y a un expulsé, il y a un ou deux trucs tendus ». Pour un tacle dangereux, Yvon Le Roux reçoit effectivement un carton rouge à la 85e et les Français doivent finir à 10. Vont-ils résister jusqu’au bout ?

90e minute, c’est la libération. Idéalement lancé par un Jean Tigana encore une fois monstrueux, Bruno Bellone part dans le dos de la défense défier Arconada. Le Parc des Princes, la France entière retient son souffle. L’attaquant raconte que les défenseurs « avaient du mal à revenir, donc j’en profite […] Quand je vois Jeannot qui prend le ballon et qui accélère, là je me dis, je vais me mettre entre les deux […] Et là, j'avais le boulevard, mais le truc c'est que le gardien, cet enfoiré, il ne bouge pas, il reste sur ses pieds ».

Bellone ne panique alors pas, prend tout son temps et « la pique au dernier moment. Et ça réussit. C’est fantastique ».

Le résumé de la rencontre ici : https://www.youtube.com/watch?v=wFwvy6L1foo&t=18s

La délivrance… et la fête 

D’une magnifique balle piquée, l’avant-centre vient d’offrir le but du sacre à la France. Pour Bats, cette action est synonyme de délivrance : « Tant qu’il n’avait pas marqué ce but-là, on pouvait être à la merci de… on était un de moins, ça pouvait toujours basculer très vite et tu es d’autant mieux placé que quand tu es gardien de but, tu sais que ça peut basculer très vite ».

 « C'est merveilleux. […] Ça y est, c'est fini, on est champion d'Europe », ce que se dit Bruno Bellone au moment de son but. 

Ému, l’attaquant révèle aussi que, plongeant sur lui ivres de bonheur, ses coéquipiers l’étouffent totalement. « Je n’arrive même plus à respirer. Ils étaient tous sur moi. Magnifique ». Après coup, Platoche lui confie même qu’il aurait aimé marquer son but. Malgré tout, pour Bellone, avec les 9 réalisations de son capitaine durant l’Euro 84, « Le héros c'est Platini, ce n’est pas moi ».

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Les Tricolores peuvent enfin grimper en tribune pour soulever le trophée Henri Delaunay dans un stade aux anges. Le jour de gloire est arrivé. La joie, la liesse. Fou de bonheur, Jean Tigana ne peut s’empêcher de courir avec la coupe pour la présenter aux supporters français. Le moment est historique. Pour Joël Bats, ses coéquipiers et lui ont été « des pionniers ». « On est quand même le premier sport collectif à avoir été champion d’Europe ».

Du côté de Max Bossis, c’est plus « le sentiment du devoir accompli » qui prédomine. Rappelant que les Français étaient attendus au tournant, « c'était plus un soulagement qu'une euphorie […] ou de la joie véritable ». Pour le Nantais s’ajoute aussi « une petite tristesse […] de voir Michel Hidalgo, qui nous avait tant apporté, arrêter la sélection. » Le patron des Bleus, en poste depuis 1976, tire effectivement sa révérence sur ce succès inoubliable.

La fête qui s’ensuit est mémorable. Joël Bats se souvient de son tour d’honneur. « Je veux donner mes gants à ma maman. Et puis c’est Henri Salvador, qui est au-dessus, qui les attrape et qui garde les gants ». Bruno Bellone révèle aussi une anecdote surprenante sur l’allégresse s’étant emparée des rues parisiennes :

« On avait rendez-vous à un endroit où il y avait Pelé qui nous attendait. C’était une boîte […] Et ce fada de Luis Fernandez, il a voulu passer en voiture par les Champs-Élysées. On est tombé dans un truc de malade. Je croyais qu'on allait mourir. Les gens sont montés sur la voiture, comme ce que tu vois en 1998, la foule […] c'était pareil, mais ce n’était pas filmé. Mais, moi, je l'ai vécu puisque j'étais dans la foule. Je commence à paniquer, je dis, montez sur le toit, on va se faire écraser, on va mourir. On est champion d’Europe, on va mourir dans la bagnole. Bravo ! »

Les Français parviennent finalement à sortir de la foule pour rejoindre une soirée réunissant Pelé et des artistes comme Julien Clerc ou Eddy Mitchell. Mais cette nuit-là, les stars, c’était bien eux. Une reconnaissance bien méritée pour des Bleus au sommet.

L'équipe de France avec le trophée de l'Euro 1984

L'équipe de France peut exulter, elle a remporté son pari de gagner l'Euro 1984 à domicile face à l'Espagne (2-0). Photo tirée du site de deux-zéro.com (Crédit photo : PanoramiC).

Aboutissement d’un Championnat d’Europe des Nations victorieux, la finale France-Espagne de 1984 forme l’apogée d’une génération exceptionnelle. Guidé par un des buts les plus mythiques de Michel Platini, un collectif regorgeant de talents, le succès des Bleus est historique. Grâce à eux, l’Euro 1984 restera à jamais le premier trophée international du football français. Retrouvez d’autres exploits inoubliables à (re)découvrir en écoutant les épisodes du Podcast des Légendes.