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Dec. 26, 2023

Saint-Étienne-Dynamo Kiev 1976 : les Verts terrassent la meilleure équipe du monde

Saint-Étienne-Dynamo Kiev 1976 : les Verts terrassent la meilleure équipe du monde

Mars 1976. L’AS Saint-Étienne est à nouveau au rendez-vous des quarts de finale de la Coupe des Champions de football. L’occasion pour eux de signer un exploit de légende face à la meilleure équipe du monde du moment, le Dynamo Kiev du Ballon d’Or Oleg Blokhine. Grâce aux souvenirs de Dominique Bathenay, Gérard Janvion, Christian Lopez et d’autres joueurs de l’époque, Le Podcast des Légendes vous replonge dans un match fantastique. Revivez sans tarder ce Saint-Étienne-Dynamo Kiev 1976, l’un des plus mythiques épisodes de la fantastique épopée des Verts des années 1970.

Le coup de froid des Verts à l’aller à Simferopol

Une affiche alléchante contre la meilleure équipe d’Europe et le meilleur joueur du monde

3 mars 1976. C’est dans le froid glacial de Simferopol que l’AS Saint-Étienne joue son quart de finale aller de Coupe des Champions. C’est en effet dans cette ville ukrainienne de l’ex-URSS que les Stéphanois ont rendez-vous avec une montagne : le Dynamo Kiev. 

Pour beaucoup d’observateurs comme pour Dominique Bathenay, ancien milieu de terrain des Verts, il s’agit alors de « la plus grande équipe d’Europe, la meilleure ». […] Celle-ci vient de remporter la Coupe des Coupes 1975, dans une compétition relevée où figuraient le Benfica, le PSV Eindhoven et le Real Madrid. Son leader et sa tête de proue est le génial attaquant Oleg Blokhine. Rapide, racé, technique, puissant, c’est tout simplement le meilleur joueur du monde de l’époque. Preuve en est : il vient tout juste de remporter le Ballon d’Or 1975, devant des légendes telles que Franz Beckenbauer et Johan Cruyff, deuxième et troisième. Rien que ça !

C’est donc un favori à la victoire finale que les Verts affrontent à Simferopol. Pourquoi pas à Kiev ? Car l’actuelle capitale de l’Ukraine est alors complètement enneigée. La pelouse sur laquelle évoluent Français et Soviétiques, au bord de la Crimée, n’est toutefois pas en bien meilleur état. Il neige et il fait très froid.

Un match qui se joue dans des conditions météorologiques très difficiles et qui l’est tout autant, pour d’autres raisons, pour un joueur : Gérard Janvion. L’arrière de Saint-Étienne vient de perdre sa maman. Deux jours avant le match, il effectue donc un voyage express en Martinique pour assister à son enterrement… avant de reprendre l’avion pour arriver directement à Simferopol. « Je passe de plus trente à moins trente, raconte-t-il. Je ne suis même pas rentré chez moi et j’avais mon sac de sport avec mon maillot ». Malgré son manque de préparation, Gérard Janvion joue ce match « pour la mémoire de [sa] mère ».

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Au « match aller, on n’a pas existé », se souvient Dominique Bathenay

La préparation du match, dans l’ambiance particulière qui règne en URSS à cette époque de Guerre froide, n’est pas non plus idéale pour les Verts. Tentative de déstabilisation ou pas, leur nuit à l’hôtel est rendue très courte par du bruit incessant.

En tout cas, sur le terrain délicat de Simferopol, les hommes de Robert Herbin ont vraiment l’air endormis. Ils sont même baladés, surclassés par la technique et le jeu collectif des Soviétiques. « On n’a pas existé », reconnaît Dominique Bathenay, malheureux buteur contre son camp. Oleg Blokhine ajoute ensuite un deuxième but sur coup franc. 2-0, seulement. « À la fin du match on se dit “bon, on s’en tire bien avec deux zéros, hein”. Bon, ça pourrait être pire encore, confie Gérard Janvion. […] Si on en prend quatre, il n’y a rien à dire ». Même son de cloche du côté de Bathenay pour qui ne perdre « que 2-0, c’est un miracle ».

Avec un déficit de deux buts à rattraper face à une telle équipe, est-ce pour autant mission impossible pour les Verts avant le match retour ? Pour l’arrière martiniquais, personne n’a pensé ça après la démonstration de Simferopol. « On savait tout simplement que pour se qualifier il fallait gagner 3-0. Et puis, il fallait se donner à fond, […] pas calculer ». Après tout, renverser des situations semblant désespérées, les Verts l’ont déjà fait. L’année précédente, contre les Yougoslaves de Split, ils avaient essuyé un cauchemardesque 4-1 avant de se qualifier 5-1 dans le feu du Chaudron. Lors de cet AS Saint-Étienne-Hajduk Split 1974, c’est la naissance du mythe des Verts qui a eu lieu.

Après la première manche contre Kiev, Herbin déclare que « Nous savons que nous n’avons pas présenté notre visage européen et c’est pour cela que nous avons hâte de jouer le match retour ». Celui-ci sera historique et légendaire.

Un début de match crispant pour ce Saint-Étienne-Dynamo Kiev 1976

En ce 17 mars 1976, dans un Chaudron qui répond une nouvelle fois présent, les Verts savent ce qu’ils ont à faire : montrer leur vrai visage. Se montrer à la hauteur de l’événement.

Dans ce but, Dominique Bathenay raconte qu’Ivan Curkovic, le mythique gardien des Verts, avait proposé une analyse tactique particulière à ses coéquipiers. En parlant de Kiev, « il a dit “C’est une équipe où il faut les faire déjouer. Tant qu’ils restent dans leur confort, on sera battu sans problème.” ». En conséquence, « il faut “faire n’importe quoi” pour les dérégler », relate Bathenay. « Donc voilà, comme nous, on avait bien l’habitude souvent de faire un peu n’importe quoi, on l’a fait. […] C’est-à-dire qu’il n’y a plus de tactique, plus de schémas, plus d’organisation. Tout le monde joue partout ». Le but, obliger les Ukrainiens « à faire autre chose » les empêchant de mettre en place leur jeu.

 

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C’est exactement ce que s’évertuent à réaliser les Verts dès les premières minutes du match retour. Avec un plan en tête : « marquer un but très très tôt, voire un deuxième », explique Janvion.

40 000 personnes déchaînées poussent comme elles seulement savent le faire, ce qui impressionne peut-être les Soviétiques. « Avec les gens derrière le but, le gardien [de Kiev] était très surpris quand même de l’ambiance. Il n’avait pas l’habitude de tout ça », juge Bathenay. Sur la pelouse, le pressing à toute épreuve des Stéphanois étouffe la formation ukrainienne. Le défenseur Oswaldo Piazza se lance dans des rushs dévastateurs qui déchirent l’arrière-garde adverse. Enchaînant les occasions, les Verts n’arrivent toutefois pas à faire céder la muraille soviétique. Devant, Blokhine reste un danger de tous les instants. Et les minutes s’égrènent, trop rapides… À la mi-temps, le score est toujours de 0-0. Les Verts sont à ce moment éliminés de la Coupe d’Europe.

En une minute, le basculement total pour la renaissance des Verts

Un tacle pour l’éternité

« Je me fais éliminer bêtement, je me fais éliminer sur l’extérieur. Mais sur l’intérieur, je laisse toute la place à Blokhine pour qu’il vienne en face de Curkovic »

65e minute. Le score est toujours de 0-0 et les Verts se cassent les dents sur le gardien soviétique. À ce moment, Geoffroy-Guichard tout entier se tait. Parce qu’Oleg Blokhine, le meilleur joueur du monde, vient de fausser compagnie à Christian Lopez et à toute la défense stéphanoise. Parce que, absolument seul et irrattrapable, il fonce vers la surface de Curkovic. Au bout du pied, il a le but de la qualif.

Cette action de Blokhine, Christian Lopez s’en souvient avec une netteté étonnante, de ces souvenirs qui restent gravés dans une mémoire pour l’éternité. « En plus, raconte-t-il, il a son partenaire Onischenko qui est à côté ». Blokhine peut donc frapper seul ou déposer une offrande à son coéquipier pour crucifier Curkovic. 

Mais Christian Lopez ne veut pas lâcher. « Moi quand il m’élimine je cours derrière. Quand j’arrive pratiquement à sa hauteur et que je vois qu'il jette un petit coup d'œil pour savoir où je suis, je me dis “Il va vouloir m'éliminer pour marquer derrière. Sûr” ».

Sûr. C’est exactement ce que tente de faire Blokhine. Pourtant, s’il glisse le ballon à Onischenko, « il y a un but, on est éliminé, on ne vit pas peut-être qu’on a vécu après ». Mais, des mots de Bathenay, l’Ukrainien se montre alors « personnel […] en voulant s’attirer la gloire à lui ». Il crochète Lopez qui revient en mode désespéré.

Alors, « je mords dans sa feinte, mais je me bloque. Et là, […] je contre le ballon avec mon pied gauche ». Miracle à Geoffroy-Guichard. Christian Lopez vient d’arracher la balle au meilleur joueur du monde, idéalement placé pour marquer. Il vient de dégager son camp et de sauver toute son équipe. Il vient surtout d’effectuer la relance la plus célèbre de toute l’histoire de l’AS Saint-Étienne.

 

 

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Au bout d’une contre-attaque inattendue, les Verts ouvrent enfin le score !

Plus de trente ans après, Christian Lopez en rigole encore : « Tout le monde me dit “Putain tu as fait une super relance !”, mais je n’ai jamais voulu relancer. J’étais le cul par terre ».

La suite appartient à la légende de l’épopée des Verts, avec un ballon récupéré par Piazza au milieu du terrain. « Oswaldo il revenait, mais il était dans le rond central. Le ballon lui tombe dessus, il se retourne, contre-attaque et on marque. Et […] là, et là, là, j’ai appris qu’il ne fallait jamais renoncer ».

Magnifique leçon de jeu, de football, de combat et de vie, que Christian Lopez conservera toute sa carrière et que résume l’ensemble de cette action : « ne jamais renoncer ». Car l’improbable se produit alors en effet. Oswaldo Piazza, balle aux pieds et cheveux au vent, se lance dans l’une des chevauchées dont il a le secret. Sert ensuite Patrick Revelli devant la surface qui, d’une pichenette lobée, remet dans le paquet. Piazza a évidemment suivi comme un boulet de canon. Mais c’est Hervé Revelli qui, en renard, est le plus prompt pour reprendre la balle et tromper la vigilance du gardien. 1-0 pour les Verts !

En une action et quelques secondes à peine, l’ASSE passe d’un possible 0-3 sur l’ensemble des deux matchs à une ouverture du score qui le place à un seul petit but de l’égalisation. Pour le milieu Christian Synaeghel, présent sur la pelouse, « On peut prendre un but et dans la foulée, c’est nous qui marquons. Voilà, c’est un changement total. Ouais ». Tous ses coéquipiers de l’époque ont la même analyse. Pour Janvion, « c’est le tournant, le tournant du match ». Il ajoute avec raison que les Soviétiques « ont loupé le coche à ce moment-là ». Comme quoi, un match de football, « ça tient à peu de choses », avoue Bathenay. Selon lui, ce but a été comme un énorme coup de massue sur la tête de Blokhine et de ses coéquipiers. « Les Russes à l’époque, ils n'ont pas trop compris ce qui s'est passé ». Les Verts mènent 1-0. Mais le meilleur reste encore à venir…

Et ensuite, l’apothéose…

Il ne reste alors que 25 minutes à jouer pour arracher la prolongation face à la meilleure équipe du monde. Le stade bout, tremble, le public est en délire. De Dominique Rocheteau, perclus de crampes, au petit gars du Nord, le « Ch’ti » Christian Synaeghel, les Verts lancent toutes leurs forces dans la bataille.

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« Tout le monde a donné le maximum, se souvient justement Bathenay, tout le monde est allé au bout ». Comme Hervé Revelli qui obtient un bon coup franc dans l’axe. À 20 mètres, le capitaine et meneur de jeu stéphanois, Jean-Michel Larqué, pose soigneusement son ballon. Très critiqué après le match aller, il est concentré comme jamais. Lorsque l’arbitre siffle, il n’hésite pas une seconde. Sa frappe brossée, puissante, soudaine, précise, ne laisse aucune chance au gardien. D’un tir extraordinaire, le ballon transperce les filets au ras du poteau gauche. Le Chaudron explose en même temps que son capitaine. 2-0 ! Les Verts ont refait leur retard !

 

La suite de cet AS Saint-Étienne-Dynamo Kiev 1976, c’est de la légende pure vers l’Olympe de l’épopée des Verts. La prolongation est là. Dominique Rocheteau, jeune feu follet aux dribbles dévastateurs, est blessé au mollet, mais les deux changements autorisés à l’époque ont été réalisés. L’Ange Vert est obligé de rester sur la pelouse alors qu’il peut à peine courir. À 2-2 sur l’ensemble des deux matchs, il reste aux Stéphanois « notre courage, notre force mentale aussi […] et notre camaraderie », se souvient Janvion.

Et la prolongation passe, crispante. Il ne reste alors que 8 petites minutes à jouer. Entré en jeu, Jacques Santini se joue de deux adversaires et glisse la balle, sur l’aile, à Patrick Revelli. D’un déhanché et d’un dribble magnifiques, Revelli, dans la surface, se débarrasse de son vis-à-vis. Lance un sprint fou à cet instant de la partie pour redresser la course du ballon que les Soviétiques voyaient déjà sortir. Et dépose un centre en retrait parfait aux six mètres, que reprend victorieusement… Dominique Rocheteau !

Les bras levés, l’Ange Vert oublie toute douleur et file hurler sa joie avec ses coéquipiers et le peuple vert en transe. 3-0. Le grand Dynamo Kiev est au tapis. Saint-Étienne est au paradis. Entre solidarité, réussite ou même chance, Gérard Janvion résume parfaitement ce qui a finalement permis à l’ASSE de renverser la montagne soviétique. « On était une équipe de jeunes […] On a rien lâché ». À l’image du retour extraordinaire de Lopez dans les pieds de Blokhine et de tout le courage témoigné par cette immense équipe de l’AS Saint-Étienne.

 

Pour Le Podcast des Légendes, cet AS Saint-Étienne-Dynamo Kiev 1976 est le sommet émotionnel et sportif d’une épopée des Verts magnifique et victorieuse. Cette année-là, les joueurs du Forez écartent ensuite avec autorité un autre grand d’Europe en demi-finale, le PSV Eindhoven (1-0 / 0-0). Ils ne s’inclinent finalement qu’en finale de la Coupe des Champions de football, face au Bayern Munich et à d’odieux poteaux carrés


Article rédigé par Johann Sonneck, rédacteur web SEO professionnel à partir des épisodes du Podcast des Légendes mentionnés dans l’article. Découvrez son travail sur son profil LinkedIn et sa page Facebook professionnelle

 

 

Sources