L’épopée des Verts des années 1970, auréolée par la finale de la Coupe d’Europe des Clubs Champions 1976, a marqué des générations d’amoureux du football. À toute aventure, il faut un commencement. À toute légende, il faut une naissance. À tout mythe, il faut une fondation originelle. Celui des Verts date du 6 novembre 1974. Ce Saint-Étienne-Hajduk Split, en huitième de finale retour de la Coupe d’Europe, est le premier exploit majuscule des Stéphanois. L’acte fondateur qui a fait d’eux les Verts et transformé le Stade Geoffroy-Guichard en un incandescent Chaudron. Dominique Bathenay, Gérard Janvion, Christian Lopez, Christian Synaeghel et d’autres joueurs de l’époque se souviennent de ce match à part. L’occasion pour Le Podcast des Légendes de revenir sur cette rencontre mémorable ancrée dans l’histoire de l’ASSE.
Saint-Étienne-Hajduk Split, une rencontre entrée dans la légende des Verts et du football français
Le cauchemar vert de Split
Octobre 1974. L’AS Saint-Étienne est au rendez-vous des huitièmes de finale de la Coupe des Champions. Jamais les champions de France ne sont d’ailleurs parvenus à aller plus loin que ce deuxième tour. En 1969, ils avaient bien réussi l’exploit de sortir le grand Bayern Munich lors de leur entrée en lice dans la compétition. Malheureusement, ce premier fait d’armes européen avait été sans lendemain, avec une élimination au tour suivant.
À cette époque, le football tricolore est habitué aux déconvenues continentales. Pourtant, les Verts ont de l’ambition dans cette Coupe des Champions 1974-1975. Au premier tour, ils se défont avec maîtrise du Sporting du Portugal (2-0 puis 1-1 au retour à Lisbonne). Mais la marche s’annonce encore une fois très haute au deuxième tour. Le tirage au sort place sur le chemin de Saint-Étienne un véritable épouvantail européen : l’Hajduk Split.
La formation yougoslave est composée au deux tiers des membres de l’équipe nationale. Présente au Mondial 1974, au contraire de la France, la Yougoslavie s’était d’ailleurs qualifiée pour le second tour, parmi les huit meilleures nations de la planète. C’est dire le niveau de l’Hajduk ! Le match aller, à Split, tourne d’ailleurs à la démonstration. Pour les Verts, c’est un véritable naufrage.
Dominique Bathenay, l’ancien milieu stéphanois, se souvient d’« un terrain un peu gras » qui n’a pas favorisé le jeu. D’autres ont regretté l’ambiance hostile et l’arbitrage maison qui aurait nettement avantagé les Yougoslaves. Toutefois, des mots de l’attaquant Hervé Revelli, « On s’en prend souvent à l’arbitre, oui, mais ça avait été quand même une faillite collective ». Avec Šurjak, ailier gauche aux remontées de balle dévastatrices, Split ne fait qu’une bouchée de son adversaire. Les Verts sont balayés 4-1.
Un match retour dont le souvenir donne encore des frissons à Bathenay
La messe est-elle déjà dite avant la deuxième manche à Geoffroy-Guichard ? « Personne ne nous voyait passer cet obstacle », témoigne encore Dominique Bathenay. Pourtant, selon celui qui n’est encore qu’un tout jeune joueur à l’époque, « on croyait toujours en nous ». « C’est un des matchs qui me donne encore des frissons quand j’en parle », confie-t-il, ému.
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Les Yougoslaves croient aussi que l’affaire est dans le sac. À leur arrivée à Saint-Étienne, en guise de préparation, ils font… du shopping. À cette époque de la guerre froide, ils ont beaucoup plus de choix dans les boutiques du bloc de l’Ouest que dans celles de l’Est où ils vivent.
Les Stéphanois, eux, sont enfermés dans leur hôtel et regardent le match aller à la vidéo. L’occasion de pointer leurs lacunes comme celles de l’équipe adverse. Et de dresser un simple constat : une victoire 3-0 et ils seront qualifiés. « Notre force, ça a été de voir que la différence au tableau d’affichage ne valait pas le niveau des équipes », dira plus tard Jean-Michel Larqué, capitaine emblématique des Verts. Après le match aller, Bathenay, Larqué et une poignée d’autres joueurs avaient d’ailleurs pris un verre pour se serrer les coudes. L’occasion pour Larqué de regretter cette dernière chance sans doute manquée de décrocher une Coupe d’Europe, tout en soulignant que ses jeunes coéquipiers avaient l’avenir devant eux. Coup de bluff pour culpabiliser ses partenaires? En tout cas, pour le regretté milieu offensif gauche George Bereta, « Nous sommes rentrés sur le terrain en pensant que tout était possible ».
Dès les premières minutes, en ce 6 novembre 1974, le constat est clair : ce ne sera pas le même match qu’à Split. Les Verts prennent immédiatement les rênes de la rencontre et mettent une grosse pression sur leurs adversaires. « On était survolté sur le terrain », selon Dominique Bathenay. « On avait à cœur de leur rentrer dedans après ce qu’il s’était passé deux semaines avant », témoigne aussi le défenseur Gérard Lopez.
36e minute. À la suite d’un coup franc lointain, les Verts se projettent dans la surface de réparation de l’Hajduk. Deux duels aériens plus tard, le ballon atterrit dans les pieds de Larqué qui, d’une reprise de volée tonitruante, fusille le portier yougoslave. Le poing levé et rageur, le meneur de jeu exulte. 1-0 pour l’ASSE !
Une rencontre de légende… qui n’est même pas télévisée
Personne ne le sait encore, mais ce n’est là que le premier épisode marquant d’un match de légende. Cette rencontre a marqué à vie Dominique Bathenay. Selon lui, non sans humour, « tout le monde se souvient du match, mais il n’a pas été télévisé », ce qui est vrai. Le souvenir n’est pas moins fort dans l’esprit du milieu Christian Synaeghel. Pour « le ch’ti », « c’est le match qui me reste le mieux en mémoire ».
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Saint-Étienne-Hajduk Split, un exploit exceptionnel pour lancer l’épopée des Verts
Et Geoffroy-Guichard devint le Chaudron
Saint-Étienne mène 1-0 et les affaires sont bien lancées lorsque débute la seconde période… Sauf qu’à l’heure de jeu, Jovanic vient plomber l’ambiance et égalise.
« À 1-1, je me suis dit “c’est raté” », confesse Christian Synaeghel. Et pour cause : les Verts doivent désormais marquer trois buts en trente minutes pour ne pas être éliminés !
Un coup du sort qui vient mettre un terme à ce qui aurait pu être une belle soirée ? Sur l’engagement, Sainté obtient pourtant un corner. L’instant que choisit Bathenay pour venir placer un coup de tête rageur qui redonne aussitôt l’avantage à son équipe. 2-1 !
« C’est l’enchaînement du match qui fait qu’on revient dans la partie », explique l’ancien milieu de terrain. Quant à Christian Lopez, il garde en tête qu’« il ne faut jamais, jamais renoncer ». Jamais lâcher. Et après ce retournement de situation express totalement fou, ils ne lâcheront plus leur proie.
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Les joueurs sont bien aidés, soulevés, transportés, par un stade en fusion. Un public de 26 000 âmes vertes déchaînées qui chantent, dansent, crient, vibrent comme jamais. Synaeghel parle de « flambée » en évoquant ce qui se passe dans Geoffroy-Guichard après le but de Bathenay. Ce dernier est marqué à vie : « C’est quand même une ambiance extraordinaire. Ma femme qui était dans les tribunes m’a raconté que tout le monde était debout, tout le monde jetait tout - les briquets, les montres… Tout le monde était survolté…On a vraiment fait un match d'équipe ».
D’autant plus que les Verts enchaînent. Dix minutes plus tard, ils obtiennent un pénalty que Bereta transforme en force. 3-1 ! Ils ne sont alors plus qu’à un seul but d’inespérées prolongations. Dans les tribunes, les supporters sont « fous de rage », pour Hervé Revelli. Pour Bathenay, « oui, c’est à partir de ce match-là » que Geoffroy-Guichard est « devenu le Chaudron ».
Face à des Yougoslaves qui déjouent et refusent le jeu, rattrapés par l’enjeu et l’ambiance de feu, les Verts se lancent à l’abordage. Les défenseurs Oswaldo Piazza et Gérard Janvion deviennent attaquants. Il n’y a plus de tactique, c’est tout pour l’attaque. Et à moins de dix minutes du terme, le remplaçant Yves Triantafilos, rentré depuis peu, hérite d’un ballon en pleine surface. Il ne se pose pas la moindre question au moment de croiser sa frappe sèche sans contrôle. 4-1 !! Le Chaudron explose.
Une remontada de folie vers les sommets européens
Ce match, pour Bathenay, « c’est le début de la légende des Verts de 76 ». Parce qu’après avoir décroché de manière extraordinaire la prolongation, dans ce qui semblait être une montagne trop élevée à gravir, les Stéphanois vont basculer dans la folie.
104e minute, les hommes de Robert Herbin obtiennent un coup franc bien placé. Bereta et Larqué, les tireurs habituels, sont perclus de crampes. Surprenant la défense, Bereta choisit alors de décaler « Tintin » Triantafilos. D’une frappe soudaine, le « Grec » marque le cinquième but ! 5-1 pour les Verts ! Les supporters ivres de bonheur sont accrochés aux grillages qui ne sont qu’à quelques mètres des buts. Le Chaudron tremble de toute part. Les Verts l’ont fait, signant une remontada avant l’heure.
Comme tous ses coéquipiers, Gérard Janvion garde une émotion intacte liée à cette irréelle victoire. « On a gagné ce match à force de courage », témoigne-t-il. Pour lui comme pour tant d’autres, pas de doute d’ailleurs. Cet ASSE-Hajduk Split, c’est le point de départ de la merveilleuse aventure stéphanoise en Coupe d’Europe. « Ça nous a lancé dans notre épopée », affirme-t-il, Après ce match d’anthologie, plus rien ne sera jamais pareil.
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La suite, c’est un parcours qui emmène Saint-Étienne jusqu’en demi-finale de la Coupe des Champions. Pareille performance n’avait pas été réalisée par un club français depuis l’époque du grand Stade de Reims des années 1950. En quart de finale, ce sont les Polonais du Ruch Chorzow qui ne résistent pas au Chaudron stéphanois. Après avoir perdu à l’extérieur 3-2, les Verts l’emportent en effet 2-0 chez eux pour se qualifier. Puis, en demi-finale, ils ne tombent que face au Bayern Munich, champion d’Europe en titre et futur vainqueur de l’épreuve. Après un valeureux nul à Geoffroy-Guichard (0-0), la marche est trop haute en Bavière (0-2). Mais Saint-Étienne a pris rendez-vous et a profité en même temps de son magnifique parcours pour se placer sur la carte de l’Europe…
Le début de la fantastique épopée des Verts débute sans hésiter par ce match légendaire Saint-Étienne-Hajduk Split de 1974. Un scénario renversant, des émotions à la pelle, un stade en fusion qui a gagné à tout jamais son surnom de Chaudron… Pour Le Podcast des Légendes et tous les amoureux de football, les arguments ne manquent pas. Cette rencontre marque surtout un basculement de taille, montrant que les clubs français peuvent gagner et renverser des montagnes européennes. Deux ans plus tard, en 1976, les Stéphanois se hisseront encore plus haut, immortalisant le mythe des Verts à tout jamais.
Article rédigé par Johann Sonneck, rédacteur web SEO professionnel à partir des épisodes du Podcast des Légendes mentionnés dans l’article. Découvrez son travail sur son profil LinkedIn et sa page Facebook professionnelle
Sources : https://www.poteaux-carres.com/article-C0920061105194458-6-novembre-1974-ASSE-5-1-Hajduk-Split-ap-8e-de-finale-.html?fbclid=IwAR3pktBh7TpFcOktUF055_LGSSTTPdnskNc-lVpuG3rak-9w2oap6M5s28Uhttps://www.francebleu.fr/sports/football/hadjuk-split-1974-la-plus-belle-remontee-de-l-histoire-des-verts-1487514533?fbclid=IwAR0Tc8ZnYH7SSHtogP-2wECLQGZOTj9XVYKKBv1Ubpmh1qKaY1BiX_BDXNMhttps://www.sofoot.com/articles/il-y-a-40-ans-lhajduk-split-lancait-lepopee-des-verts?fbclid=IwAR3wMJEBsG5HOPWpzII-rRfeX_4-QkbqNe_8GHSiEmH7AA1rMei9wm87HuA