Maxime Bossis - 2e partie
Je le vis mal. Je le vis très, très mal, évidemment. Il y a un sentiment de culpabilité et la peur d'avoir déçu beaucoup de gens, y compris la famille proche. Je pense aux supporters, je pense au sélectionneur, je pense à mes copains en disant, mais est-ce que je les ai trahis ? Et en définitive, on ne trahit jamais personne dans ces moments-là parce que c'est trop dur, et à partir du moment où on donne le meilleur de soi-même, y compris dans un tir au but… mais on n'est pas forcément à l'abri. Il a fallu du temps pour que ce sentiment ne soit plus présent.
Mais c'est compliqué.
— Maxime Bossis, sur Séville
Le Podcast des Légendes: Bonjour à toutes et à tous et bienvenue dans la deuxième partie de cet épisode du Podcast de Légendes spécial Maxime Bossis. Une deuxième partie où on va parler de la Coupe du monde soixante-dix-huit en Argentine et bien entendu de la Coupe du monde quatre-vingt-deux en Espagne avec le grandiose Séville dans lequel Max Bossis a joué un rôle déterminant.
Ce qui est assez incroyable à tes débuts en équipe de France, donc déjà tu es très jeune et ensuite, tes onze premiers matchs, tu es invaincu, donc de soixante-seize à soixante-dix-huit avant la Coupe du monde, c'est que des victoires ou des matchs nuls contre quand même de grosses équipes.
Vous faites match nul en Italie, vous battez le Portugal. Vous battez le Brésil en soixante-dix-huit, le fameux match contre le Brésil. Donc quel est le, alors même si je, on a cru comprendre qu'en soixante-dix-huit il n'y avait pas de grosses attentes autour de l'équipe de France. Mais est-ce qu’intérieurement ou secrètement, sachant que vous avez, vous sortez quand même d’une très belle série, est-ce qu'il y a un appétit un peu plus grand que ce que vous dites en tout cas à la presse ?
Maxime Bossis: Quand on part en soixante-dix-huit même si je ne me souvenais pas de cette série de matchs sans défaite, je savais qu'on avait fait de bons résultats, c'est presque une finalité. En définitive, bon, il y a eu aussi pas mal d'articles, pour savoir si on devait participer ou non à cette Coupe du monde.
Mais ça, c'est d'autres problèmes avec le régime totalitaire de, ce qui se passait en Argentine. Mais c'est une finalité sportivement et on va là-bas en se disant on verra bien. On verra bien si ce n'est qu’on tombe dans le groupe du futur champion du monde, l’Argentine qui avait une superbe équipe et surtout tout était fait également pour que l'Argentine remporte cette coupe du monde.
On tombe sur l'Italie qui est un autre gros morceau et donc on sait que tout va se jouer contre l'Italie. Donc on ne pense pas forcément passer le premier tour. On est déjà tellement heureux de se qualifier contre la Bulgarie et c'était vraiment la liesse, la joie. En plus, on part en Concorde, Giscard d'Estaing à l'époque nous laisse partir en Concorde.
C'est le début du Concorde qui était apparu quelques années avant. Donc on fait escale à Dakar, à Rio, après Buenos Aires. Donc, ce n’est pas une colonie de vacances améliorée, mais c'est presque ça. Donc le temps après de se mettre dans l'ambiance, on a eu du temps parce qu'on a eu trois semaines de préparation, mais c'est vraiment.
Et puis c'est une préparation, un peu d'amateurs. Il faut bien dire que la Fédé était, il y avait un président fabuleux, monsieur Sastre, mais on est logés dans des conditions épouvantables. D'abord, on est logé dans le même hôtel que l'équipe italienne.
Le Podcast des Légendes: Les Italiens, ouais.
Maxime Bossis: Alors qu'on les rencontre au premier match.
Le Podcast des Légendes: C’est dingue.
Les dirigeants viennent avec leurs épouses et leur famille. Ils prennent le plus bel étage avec des, à côté de Buenos Aires, donc dans un grand centre un peu triste avec de super chambres. Nous, on est dans le pigeonnier. Et je me souviens, je suis en chambre double avec Patrice Rio.
Le mec d’un mètre quatre-vingt-cinq, avec un radiateur qui chauffait à mort parce que, Argentine ne fait pas si chaud que ça au mois de juin et dans une chambre de douze mètres carrés à deux pour trois semaines avec un lit pourri, donc j'ai foutu le lit par terre au bout de deux jours pour essayer de trouver une solution.
Donc c'est vraiment très amateur. Après on a vu ce qu'il y avait amélioré, non seulement dans notre préparation et dans la capacité qu'on avait à se dire, on peut progresser et puis être proche des meilleurs, mais il y avait beaucoup d'approximations. Voilà, on n'arrive pas en terrain conquis, on découvre tout, on découvre tout et surtout, on n'est pas non plus dans les meilleures conditions au départ pour aborder les premiers matchs de par le logement justement.
Le Podcast des Légendes: C'est marrant ce que tu dis par rapport au logement, quand on voit aussi à la lumière du troisième match où vous n’avez pas de jeu de maillots donc c'est assez incroyable.
Maxime Bossis: Oui, mais ça, c'était terrible. J'étais très triste, très triste pour l'intendant de l'époque qui était notre assureur à tous, Monsieur Patrelle. Mais voilà, on se plante dans le jeu de maillots. En définitive, on joue contre la Hongrie qui joue en bleu et on amène le mauvais jeu de maillots au lieu d'amener le blanc, on emmène le bleu, donc il a fallu prendre un maillot que je dois avoir sûrement à la maison, il m'en reste deux.
Mais je pense qu'il doit être quelque part dans une valise. Ce maillot vert et blanc rayé, le match commence avec, je crois, trois quarts d'heure de retard. Un truc comme il ne se passe jamais nulle part dans aucune Coupe du monde. Donc voilà, c'était nous. Et en plus, il y a une autre anecdote importante avec Adidas. On joue avec Adidas, et on demande avant la Coupe du monde quand même, à avoir quelques dizaines d'euros supplémentaires sur la durée de la Coupe du monde.
Quelques centaines d'euros, on va dire. Refusés par Adidas où monsieur Remetter qui était un ancien grand joueur, c'est un grand gardien qui nous suivait partout, téléphone à ses patrons où c'est refusé. Et donc un vent de révolte a soufflé et avant le premier match contre l'Italie, on efface nos bandes pour la plupart, ou on arrache les bandes pour dire qu'en définitive on joue pour rien.
Déjà on n'a pas de primes, on n'a pas de ou très peu.
Le Podcast des Légendes: Juste pour clarifier, vous jouez gratuitement, il n’y a même pas de prime de match, rien du tout, vous jouez gratuitement en équipe de France ?
Maxime Bossis: On n'a aucun contrat individuel, si ce n'est peut-être Michel, deux ou trois, et dans les contrats collectifs, les sponsors nous donnent très peu. Et Adidas nous donne encore moins, quel que soit le nombre de matchs qu'on fait, et donc on demande une petite rallonge pour le fait de dire aller, on va à la Coupe du monde, Adidas est déjà très riche, on nous refuse. Et donc ça fait énormément parler, notamment dans les journaux français et même à la télévision où certains présentateurs notamment monsieur De Caunes disait qu'on avait trahi la France quoi en effaçant nos bandes. Alors ça nous a un peu perturbés certainement pour le match contre l'Italie, peut-être par la raison pour laquelle, mais quelque part, c'est bien parce que ça a permis de changer beaucoup de choses après.
On a toujours été logés après dans de bien meilleures conditions, ça n’a pas été toujours parfait. On a commencé à nous considérer en disant que les joueurs ont des devoirs aussi, mais également ils ont des droits et ils ont le droit aussi de discuter de certaines choses qui étaient loin de, d'être dues par les dirigeants de l'époque.
Le Podcast des Légendes: Quelle est l'ambiance dans l'équipe à ce moment-là, avant, à part cette petite fronde contre la rémunération et sur le fait que les conditions de travail ne sont quand même pas incroyables. C'est quoi l'ambiance générale de cette équipe qui vient de, il y a des Nantais, il y a des Stéphanois, il y a évidemment des Monégasques, comment ça vit au jour le jour cette équipe en Argentine ?
Maxime Bossis: L'ambiance est bonne, l'ambiance est bonne, mais encore une fois presque trop bonne où entre la trentaine de dirigeants et leurs familles qui sont en vacances qu'on voit tous les midis. Voilà avec, bon ils ont, aujourd'hui on fait un petit peu attention quand même. Les joueurs sont logés dans, d’une façon différente.
C'est vrai qu'aujourd'hui ça plairait à tout le monde, et nous bon, qui nous entraînons, vraiment bien, tous les jours, on, avec Michel Hidalgo donc on fait un entraînement sérieux, une préparation très, très sérieuse. On sait qu'on rencontre l'Italie donc on a un petit peu la trouille quand le match arrive, les Italiens qu'on croise en plus tous les jours et, mais l'ambiance est bonne jusqu'au premier match, l'ambiance est bonne.
Le Podcast des Légendes: Alors le premier match justement c'est, vous commencez de manière vraiment tonitruante avec ce premier but, débordement de Six, tête de Lacombe. Quel est ton état d'esprit, tu commences le match, toi qui a vécu la coupe du monde soixante-dix, tu avais quinze ans en soixante-dix, j'imagine que ça a dû être un évènement pour toi ?
Maxime Bossis: Ouais, j'avais quinze ans.
C'était le premier gros événement que j'ai suivi. Oui.
L'état d'esprit pour moi, c'est j'ai l'impression de répondre que le, qu’il reste trop de temps derrière ce but marqué, je récupère le ballon. D'ailleurs, c'est une relance, je donne à Guillou qui centre et le but de Bernard Lacombe, qui a été longtemps le but le plus rapide en match de Coupe du monde.
Mais je sais qu’il faut tenir tellement de temps derrière que pour moi, c'est loin d'être l'euphorie.
Le Podcast des Légendes: D’accord.
Maxime Bossis: C'est d'autant moins l'euphorie que c'est certainement la mi-temps, la première période où j'ai le plus souffert en Coupe du monde. Sur les quinze matchs que j'ai faits, j'avais Causio qui était l'ailier droit de la Juventus, qui était l'ailier droit de la Juventus de Turin, cette fameuse équipe que Michel Platini a rejoint deux ou trois ans après avec Causio, Bettega, Paolo Rossi. Et donc un dribbleur hors pair, un peu à la façon d'un Rocheteau en France.
Et donc il m'a fait souffrir, pas le martyr, mais pas loin pendant quarante-cinq minutes. Et donc même si on se reprend tous en seconde période, on a, on est vraiment, malgré ce but marqué, presque on arrive, c'est presque trop beau pour nous et ça arrive presque trop vite.
Le Podcast des Légendes: Par rapport à ta première sélection, est-ce que tu as des frissons quand tu entends la Marseillaise pour la première fois avant le début du match et j'imagine pour nous qui sommes des amateurs, le premier match en Coupe du monde, ça doit quand même, que c'est quand même le niveau supplémentaire même si toi, tu as déjà une bonne douzaine de sélections en équipe de France ?
Maxime Bossis: Ouais, c'est le niveau supplémentaire forcément. Entendre la Marseillaise pour un match officiel de Coupe du monde alors qu'on en a rêvé, peut-être pendant dix ans, quinze ans de sa vie, de l'âge de douze ans jusqu'à vingt-deux ans, évidemment que c'est un moment particulier. Le souci, c'est d'éviter de perdre tous ses moyens avec le stress qui arrive progressivement avant un premier match de Coupe du monde.
Donc le stress est venu et l'ambiance a été plus terrible, le deuxième match contre l'Argentine. Là, on a joué en dehors de Buenos Aires, si je ne me trompe, il y avait moins de monde que contre les Argentins. On a joué, je crois, sur le stade de River Plate avec quatre-vingt mille personnes et là, vraiment, on a vu ce que c'était un match de Coupe du monde avec une ambiance incroyable.
Quatre-vingt mille personnes, les petits papiers papelitos en blanc et bleu qui sont descendus au moment des hymnes, que tous les spectateurs, on va lancer sur le terrain, c'était incroyable. En plus, on venait de perdre. C'est vrai qu'on était, on n'est pas très à l'aise dans nos, on était dans nos petits souliers, mais c'est sûr qu'un premier match de Coupe du monde, c'est très, très dur à appréhender, oui.
Le Podcast des Légendes: Il n’y a évidemment pas de préparateur mental à l'époque, on parle de nouveau de soixante-dix-huit. Est-ce que vous, est-ce qu’Hidalgo vous donne des conseils par rapport à la pression et, parce que là à ce moment, il n'y a aucun joueur qui a joué de matchs de Coupe du monde dans l'effectif.
Maxime Bossis: Aucun joueur n'a joué un match de Coupe du monde, non. Donc, oui tout le monde,
Le Podcast des Légendes: Comment vous appréhendez ?
Maxime Bossis: On fait ce qu'on peut, même Michel Hidalgo même s'il avait toujours, comme je disais, des discours positifs avant tous les matchs. Pour lui, c'est une première aussi. Pour lui c'est un premier match de Coupe du monde aussi.
\ Donc on appréhende plus ou moins difficilement parce qu'on ne sait pas à quelle sauce on va être mangés. On ne sait pas si on a les moyens de battre l'Italie. On ne sait pas comment ça se passe. On ne sait pas si on est capable de se transcender ou si, au contraire la tension, la pression va enlever certaines de nos qualités.
Il y a une pression positive, mais parfois une pression négative. Et c'est là qu'on perd ses moyens. Donc c'est, on est un petit peu dans le flou, on est dans le flou tout le temps en définitive, dans l'hébergement, dans la préparation, dans, oui.
Le Podcast des Légendes: Contre l'Italie, bon match quand même. Effectivement, je pense que le résultat final n’est pas complètement immérité pour les Italiens. Mais par contre le match contre l'Argentine, il y a un arbitrage qui est, je pense qu'on peut le dire avec le recul scandaleux.
Et il y a quand même énormément de grosses occasions françaises. Est-ce que tu penses qu’avec un arbitrage un peu différent, le match aurait pu être différent, l'issue aurait pu être différente. Est-ce qu'il y a une frustration de, dans l'effectif ou par rapport à ce que tu dis, c'est juste bon, voilà, c'était, vraiment on était là pour apprendre.
Maxime Bossis: La frustration, elle est plus grande, ouais. Après le match contre l'Argentine, la plus grande du fait, comme tu disais de l'arbitrage, on sent bien qu'on est volé, mais on s'en doutait un petit peu pour ne rien te cacher. Par contre la frustration, elle est plus générale. Enfin, du moins pour moi, parce que je me dis qu'on est, puis on a parlé derrière, avec Michel et bien d'autres. Je crois qu'on a raté quelque chose. On était dans un groupe très difficile, on ne sait pas notre valeur. Je pense que si on passe le premier tour, on peut faire comme en quatre-vingt-deux. Sincèrement, on peut faire comme en quatre-vingt-deux, on ne savait même pas jusqu'où on pouvait aller, mais ce premier tour nous permettait de nous étalonner.
Et puis on n'avait pas de certitude. On en parlait tout à l'heure, on manquait de certitude pour nous mesurer vraiment au plus haut niveau, aux équipes, les meilleures en Europe ou les meilleures au monde. Et là, on a, dans un groupe plus facile, si on passe, après on peut peut-être aller très loin parce qu'on avait déjà de.
Il y avait déjà de très bons joueurs et on était capable de prendre confiance rapidement. Mais bon, ça s'est passé comme ça et ça nous a servi après pour quatre-vingt-deux.
Le Podcast des Légendes: Ce qu'on apprend avec ce podcast, en parlant avec tes anciens coéquipiers, c'est vraiment l'importance de cette Coupe du monde de soixante-dix-huit qui est un peu méconnue, j'ai l'impression. L'importance qu'elle a eue pour la suite, c'est vraiment une première étape qui a permis vraiment de se tester, de comme tu dis ne serait-ce qu'au niveau logistique.
De comment mettre l'équipe dans de meilleures conditions, mais c'est étrange qu'elle soit aussi méconnue. Bien sûr, quatre-vingt-deux avec Séville, ça, elle a pris beaucoup d'importance, mais c'est vraiment le début de cette génération.
Maxime Bossis: Ouais, mais bon, la coupe du monde était en Argentine. Il faut se remémorer l'époque, peut-être moins médiatisée contrairement à celle d'Espagne quatre ans après. Il y a un contexte très particulier, donc on parle de cette coupe du monde, pas forcément pour les bonnes raisons, pas uniquement pour des raisons sportives et parfois et souvent même à juste titre.
Donc c'est pour ça. Et puis pour les plus anciens qui me, qui connaissent notre génération, tout le monde ne se rappelle pas de soixante-dix-huit alors qu'on sait que nous ça a été le tremplin qui nous a permis après de faire quelques résultats dans les huit ans qui ont suivi. On savait qu'on avait besoin de cette marche-là, même s'il a été à semi-ratée pour progresser, pourquoi pas faire quelque chose d'un peu plus grandiose même si le mot est un peu exagéré.
Le Podcast des Légendes: Donc toi, tu fais les deux premiers matchs de l'équipe de France. En revanche, pour le troisième match, tu n'es pas titulaire ?
Maxime Bossis: C'est volontaire, comme souvent quand il y a plus de…
Le Podcast des Légendes: D'enjeu ?
Maxime Bossis: D'enjeu, pardon. Qu’il n’y en a plus d'enjeu sportif. Le sélectionneur fait jouer ceux qui sont ou qui ont fait la préparation pendant si longtemps et qui n'ont pas eu la chance de se retrouver sur un terrain et que pour la plupart, qui ont peu de sélection.
Donc il change. Michel Hidalgo change énormément l'équipe, parce que là, on est déjà éliminée. Après, évidemment, après l'Argentine. Donc c'est volontaire de changer l'équipe. Où l’on a eu un peu plus peur, c'est que Michel Hidalgo a hésité à changer beaucoup de joueurs après le match contre l'Italie, parce qu'il avait été très, déçu évidemment de notre prestation, notamment sur la première période.
Mais souvent, les troisièmes matches, ça s'est passé aussi en quatre-vingt-deux quand il n'y a plus d'enjeu sportif, l'équipe, elle changeait.
Le Podcast des Légendes: C'est quoi le retour de Michel Hidalgo sur ta performance justement sur cette Coupe du monde. Est-ce que tu as un point avec lui, sur comment tu as joué ou ce n'était pas du tout le style de Michel Hidalgo de faire ce genre de choses ?
Maxime Bossis: J'ai un retour, oui. J’ai un retour, il est très heureux du match que j'ai fait contre l'Argentine et beaucoup moins du match que j'ai fait contre l'Italie, notamment cette mi-temps ratée, du moins difficile.
Il me dit simplement de prendre encore un peu plus confiance et que normalement, je suis parti pour rester assez longtemps dans cette équipe si la progression continue.
Et donc, je prends, mais il me l'a dit d'une façon très positive. Il m'a dit de façon très positive et ça s'est très bien passé. Ça veut dire qu'il attendait pas mal de choses de moi et qu'il pensait peut-être depuis longtemps qu'en intégrant l'équipe de France, je pouvais devenir au fil des années un des cadres, même si c'est prétentieux, de cette équipe, donc je pense que c'était positif.
Le Podcast des Légendes: Est-ce en soixante-dix-huit, Platini est déjà, tire un peu les ficelles tactiques au sein de l'équipe sachant qu'il y a quand même deux ans, seulement deux ans de sélection derrière lui ou est-ce que c'est toujours Hidalgo ou est-ce que c'est d'autres anciens on va dire qui gère un peu l'aspect technique puisqu’il était connu que Hidalgo laissait beaucoup de pouvoir aux joueurs sur le terrain ?
Maxime Bossis: Il ne tire pas la couverture à lui. C'est trop tôt pour Michel Platini, même s'il est à part. Dans toutes les belles équipes, il y avait un joueur qui était à part, c'est le cas de la génération Cruyff, Maradona, Platini, Zidane après en France et bien d'autres, Messi. Il n'a pas un pouvoir plus que ça, même si on parle énormément de lui.
Parce que tout le monde sait qu'il va être un immense joueur. Il est déjà un grand joueur, mais par contre il n'écrase pas Michel Hidalgo avec des demandes incessantes et puis le laisse, il le laisse évidemment faire son équipe. Si Hidalgo lui demande quelques conseils, il va le faire.
Mais Michel Hidalgo l'a fait progressivement avec, contrairement à ce qu'on dit avec Michel Platini. Ce n’est pas Michel Platini qui faisait l'équipe. S'il y avait deux joueurs à valeur égale peut-être que son avis pouvait compter, mais pas que son avis, par exemple Michel Hidalgo s'est beaucoup appuyé jusqu'en quatre-vingt-deux par exemple sur Marius, sur moi, sur Alain Giresse, parfois sur Bernard Lacombe qui était un peu le vieux sage.
Donc il demande à quatre ou cinq cadres un petit peu ce qu'on pense, il tâte le terrain pour savoir si un joueur, s'il a vu un joueur un peu moins bien, ce qu'on pense au niveau de l'équipe et après c'est lui qui choisit. Mais il a demandé à beaucoup de joueurs-cadres, c'était son désir participatif de voilà, de le conseiller parfois.
Et Michel a évidemment un lien un peu plus privilégié avec le sélectionneur, mais qui, à mon sens, n'a jamais outrepassé ses droits. On est plusieurs, à un moment, on se connaît depuis si longtemps. On est plusieurs à parler de différentes choses avec, notamment moi avec Michel.
Le Podcast des Légendes: Ce sont des discussions qui sont collectives, c'est-à-dire Michel Hidalgo, il réunit les cadres et ils discutent ou c'est plutôt de temps en temps, il va voir l'un, de temps en temps, il va voir l'autre. Comment ça s'organise cette ?
Maxime Bossis: Ça peut être individuel. Il peut aller voir Alain Giresse pour parler d'un milieu de terrain ou Michel et puis parfois, je peux être là avec Marius ou même il m'est arrivé d’être avec Bernard Lacombe ou Alain Giresse. Donc ça peut être à deux, trois ou tout seul comme ça, au détour d'un entraînement ou dans une chambre entre deux entraînements.
Parce qu’il y a un petit moment où le sélectionneur a quelques doutes sur l’équipe, si c'est après une défaite, ou même après une victoire, ce qu'il faut changer ou pas changer. Donc voilà, ça se passe comme ça. Mais ni le sélectionneur ni nous comme je l'ai dit, n'outrepassons nos droits. On ne dit pas qu'il faut mettre quelqu'un. D'abord, on est juste joueur, il suffit surtout, il nous appartient surtout de garder notre place et d'être le meilleurs possible. Après, on peut donner quelques voilà quelques sentiments, voilà, mais ça se passe toujours bien.
Le Podcast des Légendes: Oui. Jean-Luc Ettori parlait d'un conseil des sages qui était de manière un peu empirique où ce n’était pas des réunions tous les lundis soir on va dire, mais effectivement, c'est vraiment en ligne avec ce que tu décrivais. Donc quand tu reviens de soixante-dix-huit, tu as joué deux matchs de Coupe du monde, l'équipe a bien performé. Est-ce que tu sens que ton statut a changé à Nantes ?
Maxime Bossis: Non, parce qu’à l'époque, on est plusieurs Nantais, c'est la seule Coupe du monde où je ne suis pas le seul Nantais. En quatre-vingt-deux, j'étais le seul Nantais, en quatre-vingt-six on doit en avoir quelques anciens Nantais, mais pas beaucoup. Alors que là on est beaucoup en soixante-dix-huit, il y a Bertrand-Demanes, Rio, Michel et on est quatre Nantais au moins.
Donc notre statut n'a pas changé après soixante-dix-huit, non. Non, rien n'a changé avec le FC Nantes. Et puis il faut toujours prouver autant de choses avec Arribas ou Suaudeau. Donc non, le statut n'a pas changé.
Le Podcast des Légendes: La bienveillance naturelle d’Arribas et Suaudeau.
Maxime Bossis: Ouais. Non, mais je pense que ces entraîneurs, Suaudeau notamment, était content et fier que justement certains joueurs qu’il a formés dont je faisais partie progressent aussi bien, aussi vite, même s’il devait d'impatience certainement déjà en soixante-dix-huit, soixante-dix-neuf pour prendre de l'équipe première, mais il doit être, je pense qu'il a, oui, c'est de trouver les mots à ce moment-là pour nous féliciter à notre tour.
Quand je dis que rien n'a changé, rien n'a changé pour le statut. À Nantes par contre ouais, ils savent quand même de temps en temps dire que c'est bien de participer à une Coupe du monde.
Le Podcast des Légendes: Parce que je pense, quand tu reviens, c'est plutôt Jean Vincent, qui est l'entraîneur, non, de Nantes à ce moment-là ?
Maxime Bossis: Alors en soixante-dix-huit en effet, c'est une grosse erreur de ma part, d'autant plus une grave erreur que je suis toujours le premier à mettre en exergue, pardon l'importance de Jean Vincent. Et en soixante-dix-huit c'est déjà Jean Vincent, qui lui arrive en soixante-seize, soixante-dix-sept, première année où on est, fin soixante-quinze, soixante-seize et après soixante-seize, soixante-dix-sept on est champions. Et c'est Jean Vincent et lui donc c'est vraiment l'entraîneur qui nous donnait la pêche tout le temps, toujours à plaisanter, toujours à raconter des histoires et donc lui nous reçoit évidemment de la meilleure des façons, retour de de la Coupe du monde.
Ça a été une récréation de cinq ans avec Jean Vincent, avec plusieurs titres de champion de France et une finale de Coupe de France gagnée, avec une demi-finale de Coupe d'Europe. Donc Jean Vincent, oui, a été très important dans les résultats historiques du Football club de Nantes en soixante-dix-huit, c’est le cas.
Le Podcast des Légendes: Et pour toi Jean Vincent en termes de comportements d'entraîneur, ce n'est pas tout à fait la même chose que Suaudeau ou Arribas ?
Maxime Bossis: Non ce n’est pas la même chose que Suaudeau, certainement qu'il est, qu'il pousse moins ces entraînements, que c'est moins fin tactiquement un petit peu comme je le disais pour Michael Hidalgo. Par contre il a ses qualités qui lui sont propres. Il arrive surtout dans un groupe à maturité qui est capable, un peu comme nous en équipe de France, progressivement, de se gérer tout seul.
Et donc il amène les bons côtés du personnage, même après une défaite, il est capable de rester jusqu'à quatre heures du matin à nous raconter des histoires un peu à la manière d'un Just Fontaine qu’il a connu évidemment avec la génération cinquante-huit et donc tout le monde est plié de rire. Donc quelque part il nous permet de se dire qu'une défaite n'est pas si importante que ça alors qu'on nous a inculqué l'importance de la victoire avec Jean Claude, Suaudeau, avec Coco ou José Arribas.
Donc il arrive vraiment au bon moment et donc on profite justement de ce côté un peu paternaliste, un peu grand frère pour vraiment prendre plaisir et avoir des résultats en même temps.
Le Podcast des Légendes: On discutait avec plusieurs défenseurs de cette période de fin des années quatre-vingt même au milieu des années quatre-vingt sur le fait que quand même, un défenseur français, championnat de France, ce n’est pas un tendre, il est rigoureux, il est rugueux. Est-ce que toi, tu te considères dans cette même veine de défenseurs centraux un peu dure sur l'homme ou pas du tout ?
Maxime Bossis: Non. Non, j'étais le contre-exemple des latéraux Français de l'époque. Rigoureux, oui dans le placement, mais pas rigoureux dans la dureté. Dans la dureté, il y avait aussi des stoppeurs qui étaient très rigoureux, qui mettaient des tacles un peu à la carotide. Ce n’était pas mon genre, dans les deux premières années de dix-huit à, de dix-sept à dix-neuf ans je taclais beaucoup, mais je taclais le ballon, je faisais peu de fautes, mais je taclais quand même beaucoup et je sais pourquoi je taclais beaucoup, parce que comme j'avais grandi très vite, il me manquait un petit peu de force musculaire et au niveau parfois, sur certains attaquants à l'époque très rapide, j'avais un petit peu de manque de vitesse et en deux ans, donc j'ai pris un peu de masse à partir de vingt ans, je taclais de moins en moins.
Et donc on faisait même le reproche. À Nantes, on m’a fait le reproche de ne pas être assez méchants donc, mais souvent ça ma, toute ma carrière, on m'a dit, mais, ouais, c'est bien ce que tu fais, mais. Mais je dis, je ne veux pas être méchant si j'ai, si je peux arrêter l'adversaire sans être méchant quoi, ça ne rime à rien. Et d'ailleurs en équipe de France c’était rare que je voie un Marius méchant, rare que je vois même ou un Patrick Battiston méchant ou un Gérard Janvion. Donc on pouvait se faire respecter de par ses qualités à avoir un bon placement, tacler quand il le fallait, mais c'est tacler le ballon, mais sans forcément, je pense que c'est l'apanage quand même des faibles de.
Mais il y en avait beaucoup de défenseurs qui mettaient des coups immenses et qui étaient parfois dangereux dans le Championnat de France, pas en sélection, c'était un autre niveau, mais en Championnat de France il y en avait quelques-uns, on ne va pas citer non, mais il y en avait quelques-uns.
Le Podcast des Légendes: On a eu Christian Lopez sur le programme il n’y a pas longtemps, pour ne pas le citer, et qui nous a expliqué de manière assez fabuleuse, comment il intimidait en tout cas avant le match. Bon, il n'a jamais blessé personne d'après ses dires, je ne peux pas aller vérifier, mais il explique quand même comment la technique pour choper l'adversaire, ce qui était assez vraiment intéressant.
Le Podcast des Légendes: Mais toi, par exemple, il y a cette statistique assez hallucinante. Tu n'as eu que quatre cartons jaunes dans toute ta carrière, zéro carton rouge, pour un défenseur, c'est juste incroyable.
Maxime Bossis: Ouais, je n’ai pas eu de carton rouge et les cartons jaunes, je ne me souviens plus si c’est deux, trois ou quatre, mais en tout cas je les ai eus les deux premières années, j'en ai eu un quand j'ai marqué Roger Magnusson, pour les anciens à,
Le Podcast des Légendes: Marseille ?
Maxime Bossis: Un joueur incroyable à l'Olympique de Marseille, je n'arrivais pas trop à l'arrêter et deux ou trois autres, c'est l'époque où j'étais après.
Après j'ai, alors peut-être aussi qu'aujourd'hui j'en aurais quelques-uns même des cartons rouges parce que l'arbitrage était beaucoup moins sévère qu'il ne l'est aujourd'hui. Et on peut être aujourd'hui très vite sanctionné, jaune ou rouge avec des fautes moyennes, du moins des fautes qui passaient à l'époque. Il y a certains joueurs de mon époque qui auraient fait un match sur deux.
Ils auraient été suspendus. Ils auraient sûrement été suspendus un match sur deux, s’ils faisaient vingt matchs dans l'année, c'était tout, avec l'arbitrage actuel. Donc ça a beaucoup changé. Donc j'ai pu profiter de ça. Mais globalement, j'essayais de rester dans le sens du jeu. Donc, avec la vitesse, avec certaines qualités, je savais que le plus important c'était d'anticiper, d'avoir un bon placement.
Quand je savais par exemple, j'avais, si j'avais un ailier parce que c'était à l'époque, c'est quatre, trois, trois. Des ailiers gauches et des ailiers droits, donc c'était des duels. Si j'avais un attaquant qui faisait onze secondes en cent mètres, je me dis bon, je prends une petite marge au départ au cas où et puis comme ça, donc tout était, tout est lié, et c'est beaucoup mieux comme ça.
Et d'ailleurs ça m'a servi après, quand je suis passé définitivement libero, parce que là, il faut tout anticiper. Mais Jeannot Lopez était un joueur correct, mais il savait se faire respecter, alors il avait toutes les qualités du monde, il n'allait pas très vite, donc il fallait qu'il compense aussi par son placement, son très bon jeu de tête, de très bons tacles.
Mais c'était un super joueur.
Le Podcast des Légendes: Alors juste à titre de comparaison pour remettre dans le contexte, Christian Jeannot Lopez n'a eu qu'un seul carton jaune dans toute sa carrière.
Maxime Bossis: C'est vrai ?
Maxime Bossis: Ça, c'est…
Le Podcast des Légendes: Bah d'après mes recherches, ouais, c'est.
Maxime Bossis: C'est fabuleux parce que, on ne le pense pas forcément et les gens ne le savent pas forcément qu'il a eu si peu de, et pas de carton rouge.
Le Podcast des Légendes: Non. En tout cas pas d'après les, la source que j'ai là c'est. Bon, il était, il disait lui-même qu'il n'a jamais blessé, mais qu'il s’était beaucoup et c'était ça qui est intéressant, c'est, il parlait vraiment de l'intimidation psychologique avant le match.
Maxime Bossis: Oui et puis c'était, Jeannot c'était aussi dans son, il marchait, il se tient toujours droit donc il était, il pouvait être impressionnant. C'était, mais c'était surtout aussi, bon, j'ai eu la chance de jouer avec lui en équipe de France. Il a eu quelques sélections aussi en équipe de France et c'était vraiment un très bon défenseur, très complet.
\ Mais c'est vrai que je pouvais penser qu'il avait pris quelques cartons jaunes supplémentaires. Donc il était beaucoup plus doux qu'il ne l'a dit, que je le pensais.
Le Podcast des Légendes: À vérifier.
Le Podcast des Légendes: Alors justement tu ne voulais pas donner de nom de joueur un peu dur sur l'homme en défense, mais peut-être, tu peux juste en citer à Nantes sans, est-ce qu'il y avait à Nantes des défenseurs qui étaient plus durs et plus méchants que toi ?
Maxime Bossis: Patrice Rio déjà était costaud. Oui, donc il savait mettre le pied, parfois c'était. Mais il n'a jamais blessé un joueur, si ce n'est moi. Bon, c'est le problème, c'est que j'ai une fracture du tibia. On est à Saint-Étienne, fin soixante-seize, dernier match avant la trêve, l'avant-dernier match, il neige, on perd un, zéro ou deux, zéro et je dégage un ballon.
J'arrive avant lui et lui, il frappe de toutes ses forces dans le tibia. Et, enfin dans la cheville avec l'onde de choc, ça m'a cassé le tibia en deux. Donc le seul joueur qu’il ait jamais blessé, Patrice, c'est moi en définitive, sinon autrement je ne me souviens pas qu'il ait blessé beaucoup d'autres joueurs, c’était évidemment involontaire.
Je plaisante, mais bon, il était beaucoup plus solide, mais à Nantes on était un petit peu en avance. Il y avait un très, très bon défenseur que les anciens connaissaient à Nantes qui s'appelait Jean-Claude Osman, qui a la carrière un petit peu, il a eu un coup à l'œil. Après, il voyait très mal à vingt-sept, vingt-huit ans. Il était en avance sur son temps, sur son poste d'arrière latéral et lui mettait très peu de coups aussi, très, très peu de coups.
Le Podcast des Légendes: Tu parlais de Jean Vincent, l'entraîneur, quand tu gagnes ton premier titre de champion de France en soixante-dix-sept, ensuite vous recommencez en mille neuf cent quatre-vingts ensuite en quatre-vingt-trois. Les invités qui étaient avant nous parlaient de l'espèce de joie incroyable de gagner un titre avec des coéquipiers avec lesquels ils ont été depuis leur tout jeune âge.
Le Podcast des Légendes: Est-ce que ces championnats de France, ces premiers titres de Champion de France, est-ce que c'est la plus grande joie de ta carrière ?
Maxime Bossis: Ouais, le premier sûrement, enfin le premier et le dernier. On a eu trois, deux avec Jean Vincent et en quatre-vingt-trois avec Jean-Claude Suaudeau. Et ce premier était un des meilleurs moments de ma carrière. Parce qu'on est tous ensemble, tous ceux qui sont formés au club. Il reste quelques joueurs un peu plus anciens comme Henri Michel, Jean-Paul Bertrand-Demanes, Giles Rampillon. Mais on arrive tous, cette génération, les années cinquante-cinq, cinquante-six titulaires, et un peu comme l'a fait Hidalgo en soixante-seize avec l'équipe de France.
Jean Vincent a tout bousculé et contrairement à ce qui se faisait avant avec notamment José Arribas, lui, il n'avait pas une équipe type. Il a mis les jeunes en nombre parce qu'il avait confiance en eux et on s'est retrouvé avec parfois sept joueurs de vingt ans, vingt-deux ans. On était une équipe très jeune et donc en plus on a grandi ensemble.
On a progressé ensemble et c'était vraiment une belle joie, oui. Voilà, c'était un super moment ce titre soixante-dix-sept, soixante-seize, soixante-dix-sept.
Le Podcast des Légendes: À quelle année tu estimes que tu es au top ? Est-ce que c’est en quatre-vingt-deux, est-ce que c’est en quatre-vingt-six, est-ce que c’est en quatre-vingt-trois ?
Maxime Bossis: Je pense que oui, je peut-être, je suis au mieux dans la confiance avec un poste de latéral même si je jouais de temps en temps ailleurs pour dépanner que je connaissais vraiment très bien, dans le début des années quatre-vingt, de quatre-vingts à disons de quatre vingt à quatre-vingt-six.
Soixante-dix-neuf, quatre-vingts, quatre-vingt-six.
Le Podcast des Légendes: D'accord.
Maxime Bossis: Je pense, ce qui me permet d'ailleurs de changer de poste et à Nantes dans un premier temps et en équipe de France, je remplace Henri Michel qui est en fin de carrière à Nantes la saison quatre-vingt-deux, quatre-vingt-trois où Jean-Claude Suaudeau prend l'équipe. Il me met libero alors que je suis encore latéral en équipe de France, notamment pour la Coupe du monde quatre-vingt-deux et je remplace également après en quatre-vingt-quatre Marius qui est un petit peu en fin de carrière, qui arrête l'équipe de France.
Ce même poste de libero, Michel Hidalgo donc me choisit comme libero. Donc j'ai une progression sympa de latérale et ce sont a priori les meilleures années après, c’est variable selon les joueurs. Alain Giresse a eu ses meilleures années beaucoup plus tard. Enfin, pas en club, mais en sélection, mais souvent entre vingt, vingt-deux, vingt-cinq et trente ans, ce sont les meilleures années.
Le Podcast des Légendes: Dans cette période de tes meilleures années, est-ce qu'il y a un club que tu détestes affronter ou un attaquant que tu détestes affronter ?
Maxime Bossis: Ouais, il en a parlé souvent et surtout moi, c'est Dominique Rocheteau. Je n'aimais pas du tout affronter Dominique Rocheteau.
Je ne comprenais pas ce qu'il faisait ballon au pied, lui non plus d'ailleurs. Mais c'était un dribbleur incroyable.
Le Podcast des Légendes: Imprévisible.
Maxime Bossis: Et donc à chaque fois, c'était un souci. Alors pour moi, c'était un problème encore plus important parce qu’on était très potes en équipe de France, très copains.
Et donc j'avais un petit peu de peine à aller au bout justement des tacles, des interventions et une petite retenue, presque naturelles. Et donc il n'avait pas besoin de ça pour s'émanciper, pour passer. Donc je n'aimais pas du tout jouer contre lui.
Le Podcast des Légendes: Enfin, l'équipe que tu n’aimais pas affronter c'était Saint-Étienne alors ?
Maxime Bossis: Oui. Oui, c'est ça bien qu’à chaque fois, ça dépend. Geoffroy-Guichard, je n'aimais pas affronter Saint-Étienne, mais souvent, c'est déjà, ils prenaient des taules chez nous, donc, à Saupin, donc à Nantes. Donc à chaque fois on gagnait. En gros on gagnait à domicile et on perdait à l'extérieur, mais je n'aimais pas trop et parce qu'il y avait d'autres joueurs pour, Patrick Parizon, pour ceux qui l'ont connu, qui a eu une carrière d'entraîneur après, qui était un joueur extrêmement rapide sur dix mètres, un petit vif, râblé . Il y avait Christian Sarramagna qui a également une, pour les moins anciens, une carrière d'entraîneur après. Donc ils avaient vraiment sur les côtés, sur les ailes, des joueurs très difficiles à arrêter, donc je n'aimais pas trop.
Le Podcast des Légendes: Alors tu as vécu, tu as joué à la Beaujoire et au stade Marcel Saupin.
Maxime Bossis: Ouais.
Le Podcast des Légendes: C’est quoi la différence entre ces deux stades ? Et quel est ton stade préféré entre les deux ?
Maxime Bossis: Comme tous les anciens, c'est Saupin, évidemment, le stade préféré pour tous les vieux supporters nantais, c'est le stade Marcel Saupin, enfin les vieux et même moins vieux. Ceux qui ont cinquante, cinquante-cinq ans et qui allaient avec leurs parents et qui avaient dix ans à l'époque, se souviennent de Saupin et regrette cette nostalgie.
Mais c'est un stade qu'il fallait quitter parce qu'il était devenu obsolète, pas assez grand. Mais il y avait une ambiance comme on a, même si la Beaujoire est fabuleuse, le stade de la Beaujoire est fabuleux. Il y avait une ambiance différente, une ambiance d'un autre monde, d'un autre siècle presque.
Donc on se garait avec un petit parking à cent mètres des vestiaires, on traversait les supporters entre, qui prenaient des saucisses et du muscadet en parlant avec eux avant le match, rebelote après le match. Bon, ça n'arrive plus aujourd'hui, mais la Beaujoire était un très beau stade et reste un très beau stade.
Après, pour les anciens, on regrette un peu Saupin.
Le Podcast des Légendes: Pendant cette période-là, il y a eu une, il y a eu aussi des matchs de Coupe d'Europe. Est-ce que toi tu as, c’est quoi ton retour ou tes souvenirs des matchs de Coupe d'Europe du FC Nantes à cette période ?
Maxime Bossis: J'ai des souvenirs, mais pas forcément des souvenirs extraordinaires, sauf quelques matchs. On n'est jamais allé très loin. Si ce n'est une demi-finale de Coupe des Coupes avec Jean Vincent contre Valence, mais souvent on est éliminé de justesse contre les grosses équipes espagnoles, Atlético de Madrid ou Italiennes.
Et à chaque fois c'était un peu les mêmes regrets. On savait qu'on pouvait passer, mais il nous manquait toujours quelque chose pour passer. Peut-être un complexe d'infériorité donc, autant on pouvait dominer avec Saint-Étienne dans un premier temps. Après Marseille parfois, mais surtout Bordeaux, voire Monaco, le football français, autant en coupe d'Europe, on avait un peu plus de difficulté.
Bon, certainement le complexe d'infériorité devant les grosses équipes. Mais on a fait des parcours corrects. Demi-finale, ce n'est pas rien et surtout on ratait souvent la qualification en match allé, on faisait des matchs incroyables, mais il y avait un peu trop de gabegies, en finition pour pouvoir avoir une marge suffisante au match retour.
Le Podcast des Légendes: Dans quelle mesure, tu penses que c'est ce manque de résultats en club a peut-être desservi l'équipe de France en termes d'expériences des grands matchs ?
Maxime Bossis: Les résultats, il y en a eu quand même, il y en avait avec Saint-Étienne, donc dans le début des années soixante-dix. Donc les Stéphanois étaient habitués aux grands matchs avec cette grosse tension. Mais plus on a de l'expérience, c'est sûr, plus on joue dans un grand club qui a l'habitude de faire la, de jouer les Coupes d'Europe presque jusqu'au bout, chaque année, si on est à l'époque à l'Inter, à la Juve, dans certains clubs anglais ou espagnol, au Barça ou au Réal, forcément qu'on va progresser encore plus vite et qu'on va mieux appréhender les rendez-vous importants.
Et donc il nous a peut-être manqué ça, ce qui à part Michel qui est allée à la Juventus, qui a été champion très vite en Italie pour pouvoir progresser un peu plus vite en équipe de France. Il a fallu du temps pour arriver au niveau des meilleurs, certainement un peu à cause de ça.
Le Podcast des Légendes: On va passer si tu veux bien à la Coupe du monde quatre-vingt-deux donc sans surprise, tu fais partie de la sélection, stage à Font-Romeu. Quelles sont les attentes maintenant en quatre-vingt-deux pendant le stage ?
Maxime Bossis: En quatre-vingt-deux, on veut aller plus loin, évidemment, on veut au moins au minimum, à minima passer le premier tour. On veut faire ça pour faire mieux qu'en soixante-dix-huit, mais encore une fois, on ne sait pas trop jusqu'où on peut aller. On a quelques certitudes supplémentaires, car on a battu l'équipe de Hollande pour nous qualifier notamment en match retour au Parc des Princes deux, zéro, donc une grosse équipe et on a fait de très bons résultats jusqu'au point que certains journalistes disaient qu'on était les champions du monde des matchs amicaux contre de grosses équipes.
Donc quelque part, on va là-bas quand même, avec le sentiment que le groupe est abordable malgré l'Angleterre et qu'on peut aller au deuxième tour.
Le Podcast des Légendes: Et comment est l'ambiance ? Est-ce que c'est comme en Argentine, c'est, alors tu disais que c'était un peu moins amateur que face à l'Argentine. Est-ce que tu partages ta chambre avec quelqu'un d'autre ? Comment ça se passe au niveau logistique ?
Maxime Bossis: Il y a une partie, on change évidemment selon les matchs, de chambres, dans la préparation, j'étais en chambre avec Philippe Mahut que j'ai retrouvée un peu plus tard au Matra Racing en défense centrale et qui lui, malheureusement, on n'a pas eu l'occasion de faire beaucoup de matchs, si ce n'est le dernier qui était plutôt dans les tribunes.
Donc sinon, on chambre ensemble, donc il y a une ambiance sympa jusqu'au premier match. On parle beaucoup d'ambiance, mais en définitive, même si on est les meilleurs copains du monde, on sait très bien que l'ambiance est tributaire des résultats quelque part, surtout dans des compétitions de cette importance.
Là encore une fois, comme en Argentine, on perd le premier match contre l'Angleterre et donc là, il y a eu quatre ou cinq jours avant le deuxième match contre le Koweït de flottement, y compris même au niveau de l'ambiance générale.
Le Podcast des Légendes: Ce premier match, on en a beaucoup parlé sur le programme. Il y a aussi eu beaucoup d'articles qui ont été écrits comme quoi le, il faisait très chaud, les joueurs étaient en jogging molletonnais, les Anglais étaient prêts, ils prennent une douche à la mi-temps ou avant le match, je ne sais plus trop.
Le Podcast des Légendes: Donc il y avait quand même toujours ce petit côté amateur. Est-ce que tu le sens sur le moment où c'est juste, bon voilà, vous n'avez pas fait un bon match, vous avez été un peu submergés et vous passez vite l'éponge. Quel est votre état d'esprit après ce match ?
Maxime Bossis: Nous, on se prépare bien dans de bonnes conditions et c'est parce qu'on n'a pas fait un bon match. Les Anglais ont toujours eu l'habitude, en club comme en sélection, de faire tout et n'importe quoi, mais c'est leur façon, prendre une douche comme tu le dis juste avant le match, aller dans un bar, parce qu'en France on est incapable de faire, donc à la limite on a même une approche presque trop sérieuse par rapport aux Anglais.
Les Anglais ne doutent jamais d’eux, ils n'ont jamais été champion du monde depuis soixante-six, mais ils ne doutent, ils doutent rarement d’eux et donc on a manqué de ça. Et puis cette chaleur a été assez terrible. Les anglais ne sont pas plus habitués, encore moins que nous à la chaleur, mais c'était vraiment une fournaise, il faisait quarante, quarante-cinq degrés et d'ailleurs Patrick Battiston a fini le match, ce n’était pas sa coupe du monde avec un malaise, avec une insolation enfin bon, il a même été remplacé donc c'était un petit peu galère.
Le Podcast des Légendes: Hidalgo fait beaucoup de changements entre le premier et le deuxième match. Donc, le premier match, l’Angleterre. Deuxième match contre le Koweït avec ce, ton seul but en équipe de France dans un match assez hallucinant où pour l'équipe de France qui est habituée aux arbitrages un peu limite après France, Argentine.
Le Podcast des Légendes: Là, pour le coup c'est des buts qui sont refusés, un but accepté puis annulé dans une première, je crois que ça n'a jamais eu et j'espère que ça n'a jamais, ça ne s'est jamais refait. Mais comment, est-ce que tu peux nous raconter un peu ce match rocambolesque ?
Maxime Bossis: Contre le Koweït, c'était vraiment rocambolesque, oui. C’est le match où je marque deux buts. Je n’en marque pas qu'un, mais le premier a priori, je suis seul à ne pas l'avoir vu que l'arbitre avait sifflé, je pars du milieu de terrain et je marque, a priori, un hors-jeu. Il y a le but d'Alain Giresse, surtout. Il y a eu beaucoup de buts refusés de part et d'autre, je ne sais plus il y en a trois, quatre ou cinq, je n'en sais rien et surtout ce but de Giresse qui est accepté.
Donc, on est prêts à reprendre le match. Et c'est là que l'émir du Koweït qui enfin le frère, le ministre des Sports ou émir je ne sais pas, descends avec ses gardes du corps et donc rentre sur le terrain pour ne pas faire valider ce but, parlemente avec l'arbitre qui change de décision. Et donc ça, c'est quelque chose, oui, qui est unique dans l'histoire de la Coupe du monde.
Jamais ça ne s'est passé avant, jamais ça ne se repassera après. Donc on a le sentiment d'une injustice monumentale et c'est là que pour la première et la dernière fois où j'ai vu Michel Hidalgo dans tous ses états avec son maillot bleu et blanc du Racing et en short sur le terrain, tellement il était outré.
Et nous on a tous été outré, mais il fallait qu'on se remette dans le match, donc c'est vraiment, alors on en rit parce qu'on gagne quatre à un à l'arrivée, mais quelque part, ça aurait pu être terrible parce que si jamais on fait un match nul avec cet arbitrage, encore une fois en notre défaveur, on peut ne pas passer ce premier tour et ça provoque après peut-être des réactions en chaîne sur cette Coupe du monde, mais aussi sur quatre-vingt-quatre ou quatre-vingt-six.
Le Podcast des Légendes: Pour revenir au changement, entre le premier et le deuxième match, assez récemment, il y a eu toute une polémique comme quoi certains des changements, comme par exemple Lopez qui aurait été mis au placard à cause de son amitié avec Larios, qui ne s'entraînait plus et qui était à la piscine pendant le stage.
Le Podcast des Légendes: Est-ce que ça pourrit un peu l'ambiance tout ça ou est-ce que vous êtes vraiment concentré sur les matchs ?
Maxime Bossis: Oui, certainement que ça n'a pas amélioré l'ambiance après cette première défaite. Et donc, bon, il y avait des soucis parfois d'ordre privé entre quelques joueurs, mais ce n'était pas la seule cause. Je pense que Larios d'ailleurs sur ce match était loin d'avoir démérité.
Certainement un de ceux qui avaient été les meilleurs, mais ça permet quelque part sans fustiger certains joueurs, ça permet à Hidalgo d'aller au bout de son discours, c'est-à-dire de faire les prémices du fameux milieu de terrain que tout le monde nous envie deux ans plus tard, le fameux carré magique.
Parce que là il commence à mettre après ce match que des joueurs offensifs au milieu, Platini, Giresse, Genghini. Et donc on joue avec Bernard Genghini, donc avec trois milieux offensifs et ça nous va bien. Donc on était une équipe peut-être plus équilibrée sur ce premier match contre l'Angleterre.
Et puis bon, certains événements font que l'équipe ait changé et quelque part Hidalgo jusqu'à la fin, jusqu'en quatre-vingt-quatre ne va pas en démordre avec des milieux de terrain plutôt offensifs même si après il y a Luis qui arrive et Jean Tigana, mais il y a déjà Jean Tigana évidemment en quatre-vingt-deux, mais on joue d'une façon plus offensive qui correspondait mieux à nos qualités, sans calcul. L'équipe de France ne savait pas calculer encore quatre-vingt-deux, c'était une force, mais c'est aussi une faiblesse.
Mais après, pour dire certainement les quatre, cinq jours entre l'Angleterre et le Koweït ont été les quatre ou cinq jours, les pires au niveau de l'ambiance.
Mais tout le monde s'est bien repris très vite.